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17 novembre 2010

Le patriarcat


Peu m’importe qu’il soit blanc, noir, jaune ou indien. Il suffit qu’il soit un homme, il ne peut rien être de pire.
(Mark Twain)

L’antagonisme imputable à l’individualisation se retrouve dans toute la chaîne évolutive, entre espèces et à l’intérieur de chacune d’elles. La hiérarchisation fait partie du jeu. La terre étant un plan d’existence bâti sur la dualité, il va de soi que nous sommes confrontés aux paires d’opposés (féminin/masculin, fort/faible, beau/laid, riche/pauvre, bien-portant/malade, intelligent/idiot, bon/mauvais, supérieur/inférieur, etc.). Chez l’humain, l’attribution arbitraire de valeurs sert à déterminer des prérogatives et à dominer. En outre, le pattern du bouc émissaire (souffre-douleur) renforce la hiérarchie et permet aux dominants de défouler leur agressivité; on voit cela quotidiennement. 

Les hiérarchies les plus courantes qui sont apparues chez les humains sont de nature spirituelle, religieuse, matérielle, politique et socioculturelle, mais aussi physique, comme dans tous les autres règnes. Le plus beau fleuron machiste est sans contredit la structure sociale fondée sur le patriarcat. Une structure qui, en vertu d’un catalogue prétendument homologué par «Dieu», attribue une valeur supérieure décroissante aux différentes formes d’existence («Dieu» étant déconnecté de ses fragments et au-dessus des hommes, bien sûr!) :
1. Hommes au-dessus des femmes 
2. Femmes au-dessus des enfants 
3. Humains (globalement) au-dessus des animaux
4. Animaux au-dessus de la nature
5. Nature en dessous de tout
Et allez hop, tout le monde se rentre dedans!

Nous voici donc en face d’une pyramide d’autorités auxquelles chaque sous-catégorie d’inférieurs doit se soumettre. Cet état de chose perdure parce que ce sont les hommes, encore aujourd’hui, qui déterminent le rang qu’occuperont les autres.

S’il était donné à la majorité des humains de se rappeler l’alternance de leurs incarnations antérieures dans les deux sexes, les antagonismes perdraient de leur vigueur. Mais, ce n’est malheureusement pas le cas. J’ai été femme et homme. Vous avez été femme et homme. Plus d’une fois. Comment pourrions-nous alors nous prétendre supérieurs ou inférieurs en raison de notre sexe? Les passagers du train assis à droite ne sont pas supérieurs aux passagers assis à gauche. Le choix de s’incarner en homme ou en femme comporte des contraintes biologiques et psychologiques différentes, voilà tout. Nous nous assoyons donc alternativement de chaque côté du train par nécessité d’expérimenter les deux côtés de la médaille. Exactement comme il y a des choses que nous ne pouvons apprendre que dans des corps de chair.

Il faut se conduire comme si on était au ciel, où il n’y a pas de voiture de troisième classe et où une âme en vaut une autre.
(George Bernard Shaw)

Les rabbins prétendaient que les femmes étaient incapables de recevoir une instruction religieuse profonde. La tradition islamique glorifie le meurtre des femmes et accorde à la violence conjugale un statut d’acte sacré. En Inde, les épouses sont brûlées au vitriol lorsque leurs parents sont incapables d’assumer la dot mensuelle due à l’époux; il arrive aussi qu’on les assassine pour sauver l’honneur de la famille.

Jésus n’était pas macho, mais certains écrivains du Nouveau Testament (dont Paul en l’occurrence) et plusieurs autres «saints» l’étaient à divers degrés. Les dommages causés par leur propre peur et méfiance à l’égard des femmes sont incalculables dans notre monde d’aujourd’hui. Toutes les religions intégristes perpétuent ce type de misogynie. Si ce n’étaient pas les femmes qui donnaient naissance, il y a longtemps qu’elles auraient disparu de la planète; peut-être que des clones de laboratoires les remplaceront bientôt.

Voici deux exemples de mépris envers le genre féminin qu’on doit à Augustin et Thomas d’Aquin :
     - Augustin : «Ève, maudite à travers la maternité plutôt que d’en être bénie, fut identifiée à une forme inférieure de la matière qui attirait l’homme vers le bas de l’échelle spirituelle. Dans les excréments et l’urine de l’accouchement, tout ce qui est vil, bas, corruptible et matériel s’incarne dans la femme, la malédiction des menstruations la rapproche des bêtes.»  
     - Thomas d’Aquin, parlant de ce que les femmes allaient subir en donnant naissance à leur progéniture : «Si elles se fatiguent ou meurent, cela n’a pas d’importance. Laissez-les mourir en couche, c’est ce pour quoi elles existent.»
     N.D.A. : La procréation, ainsi que la sexualité en général, est une fonction biologique qu’on n’a pas à dénigrer ni à mettre sur un piédestal.  

L’exemple de misogynie religieuse ci-après se passe de commentaire :
«L’inquisition catholique est à l’origine d’une publication que l’on peut à bon droit qualifier d’ouvrage le plus sanguinaire de l’histoire humaine. L’encyclique Malleus Maleficam (Le Marteau des Sorcières) était destinée à l’endoctrinement des chrétiens sur les dangers des libres penseuses, en instruisant le clergé sur la manière d’identifier ces femmes, de les torturer et de les détruire. L’Église appelait sorcières toutes les femmes érudites et mystiques, les prêtresses, les bohémiennes, les amoureuses de la nature, les herboristes, ainsi que toutes celles qui montraient un intérêt suspect pour le monde naturel.
     En trois cents ans de chasse aux sorcières, cinq millions de femmes furent ainsi brûlées sur le bûcher par l’Église. La doctrine avait eu le dernier mot. Le monde actuel porte encore les stigmates de cette guerre sans merci. Autrefois célébrées comme un chaînon indispensable de l’éducation spirituelle, les femmes ont été définitivement bannies de tous les cultes du monde. On ne trouve pas plus de femmes rabbins que de femmes prêtres ou imams.» (Source : Da Vinci Code)

De toute façon, nous avons individuellement vécu tellement de vies dans les deux camps, imprégnés de ce mythe répandu dans toutes les religions et cultures, qu’il est quasi impossible de s’en soustraire. Qu’on le veuille ou non, le code «macho certifié 100% biologique» est implanté dans les gènes, la mémoire cellulaire (raciale) et l’ADN du sexe masculin.  

Jusqu’à maintenant, partout dans le monde, les femmes ont eu à peu près le même statut que les animaux, c’est-à-dire, celui d’inférieur. Les lois et coutumes favorisent les hommes au détriment des femmes. On refusait à la femme l’éducation et le droit de vote; en certains pays, on lui refuse encore le droit de propriété et de divorce tandis que l’homme en jouit. L’adultère, permis à l’homme, entraîne pour la femme des représailles comme la lapidation, l’ostracisme et la mort. Saviez-vous que dans la plupart des cultures arabo-islamiques, les femmes ont le statut de mineures (donc d’irresponsables) jusqu’à leur mort? Le proverbe asiatique suivant en dit long sur l’estime qu’on porte aux femmes au Japon ou en Chine : Dans la vie, la chose la plus triste, c’est de naître femme. 

L’histoire nous le prouve : les femmes ont subi et subissent des indignités invraisemblables au nom de la prétendue supériorité masculine. Il est un génocide perpétuel qui a fait plus de victimes que tous les génocides réunis, et c’est tout bonnement l’extermination des femmes et des filles en raison de leur sexe. C’est pourquoi, en temps de guerre ou de guérilla, le viol collectif des femmes est approuvé et utilisé comme arme tactique (on compare souvent le pénis au révolver – c’est en effet une arme que les hommes portent toute leur vie, sans besoin de permis).   

La hiérarchie patriarcale a eu des conséquences désastreuses sur l’environnement. L’homme s’aperçoit maintenant que la nature, qui est en dessous de tout, ne s’adapte pas à n’importe quoi. Or au point où nous en sommes, je doute fortement qu’on puisse renverser le processus de destruction.

Une majorité d’hommes «dits» supérieurs gouvernent et imposent leurs voies aux humains et autres règnes qui coexistent ici-bas. À titre d’exemple, j’aimerais citer un politicien québécois qui fut sous-ministre au Ministère du Revenu : «Tout est privilège concédé par l’état : votre voiture, votre maison, votre profession, bref votre vie; et ce que l’état donne, il peut le reprendre si vous n’êtes pas un contribuable docile.» (Propos rapportés dans le journal Le Devoir du 6 avril 1996).
 
Le combat pour la préséance s’exerce entre individus, races et groupes socioculturels. Chez les humains, la supériorité physique (sexe, force, beauté), la richesse et le pouvoir sont les principales griffes du prestige. Les primitifs portaient la barbe, s’habillaient de fourrure, ne savaient pas lire et buvaient comme des trous. Nos barbares du Jet Set n’ont peut-être pas de barbe, «mais ils conservent néanmoins la principale caractéristique de ces barbares malodorants : la testostérone, élixir de la bataille et de la préséance», souligne Howard Bloom. La testostérone couplée au cerveau reptilien et à la mémoire raciale régentent la survie élémentaire : chasser, trouver une ou des partenaire(s) de reproduction, délimiter son territoire et se battre pour le défendre. La couche plus ou moins épaisse de vernis socioculturel ou religieux et le statut social n’y changent rien car l’obligation de se reproduire, de se nourrir ainsi que la peur du manque et de la mort restent le fondement de notre monde matériel.

«Tous les mâles sont construits avec les mêmes réseaux neuronaux qui ont poussé Gengis khãn à conquérir un empire deux fois plus grand que celui de Rome, les mêmes circuits qui ont motivé chaque descendant de Gengis à accumuler des centaines de femmes et encore plus de concubines, les mêmes instincts qui ont incité les sultans turcs à se faire envoyer par bateau des femmes ravissantes des quatre coins de leur royaume pour quelques nuits de gloire physique.» (Howard Bloom, Le Principe de LUCIFER, Une expédition Scientifique dans les forces de l’Histoire! Le jardin des Livres(1))
     N.D.A. : Aujourd’hui, le crime organisé a pris la relève des Gengis khân. Le monde entier tourne autour du cash, du cul, du contrôle et de la violence. Plus ça change, plus c’est pareil!

Bien sûr, des êtres exceptionnels, des femmes et des hommes qu’on peut réellement qualifier de supérieurs, sont apparus à toutes les époques. Ils se démarquaient de par leur sagesse et leur compassion, et souhaitaient éveiller les supposés inférieurs au lieu de les asservir ou de les massacrer.

Toutes choses, par immortel pouvoir, proches ou lointaines, à l’insu l’une de l’autre, sont liées.
(Francis Thompson)
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(1) À lire pour qui souhaite récupérer un minimum de lucidité par rapport à la pensée magique du courant nouvel âge – cela met en évidence que la rédemption est affaire individuelle.

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