Celui qui n’est plus ton ami ne l’a jamais été.
(William Shakespeare)
A) Le désir de sauver. Ce karma a fait émerger de nombreux «sauveurs». Tout d’abord, des âmes qu’on qualifie généralement d’infinies, telles que le Bouddha ou le Christ – des éveillés finis... Il y a également ceux qu’on appelle maîtres de sagesse, bodhisattvas, prophètes ou illuminés. Ces êtres ont tenté de faire progresser l’humanité vers d’autres idéaux.
Les humains ont tendance à idolâtrer les messagers même si, de leur côté, les messagers authentiques se considèrent comme des égaux et ne posent jamais sur un piédestal.
Malheureusement, les fabricants de religions et de cultes (faux messagers) s’emparent de l’enseignement des messagers authentiques, les transforment au goût du jour et profitent de notre crédulité pour nous vendre leur camelote (leurs distorsions personnelles dogmatisées). Il est tout à fait inutile de s’étendre sur les répercussions de ces courants religieux et ésotériques dont nous subissons encore la fâcheuse influence.
Étant donné qu’une large part de l’humanité sent le besoin de remettre son salut entre les mains de sauveurs (politiques, religieux, médicaux, divins, extra-terrestres, etc.), la catégorie messager (authentique ou faux) ne devrait pas être en voie d’extinction pour l’instant. Pourtant, le salut par procuration n’existe pas en tant que tel. La rédemption n’a rien de divin; c’est simplement du gros bon sens, c’est-à-dire, cesser de se réincarner sur terre!
Parmi les sauveurs (êtres éveillés, s’entend) que nous n’avons pas déifiés, il y a des philosophes tels que Platon, Sénèque, Socrate; et, plus près de nous, des maîtres à penser tels que Jiddu Krishnamurti, Carl G. Jung, Charlotte Joko Beck, Joseph Campbell, etc. J’inclus dans cette catégorie, des écrivains de la trempe de Shakespeare, Molière, Victor Hugo, Mark Twain, etc., car ce sont des êtres pourvus d’une lucidité et/ou d’un sens de l’humour hors du commun – ne pas se prendre au sérieux est une autre clé de libération. La contribution de cette catégorie de sauveurs porte également sur un changement de paradigme acquis par la compréhension, la sagesse, le détachement, la compassion et l’humour.
B) Le désir d’aider. Ce karma de la catégorie sauveur est le plus répandu. Plusieurs âmes faisant partie d’un même sous-groupe se réincarnent simultanément pour s’entraider, soit, alléger leurs pitoyables karmas de culpabilité, se débarrasser de l’emprise de l’ego et quitter le triangle vicieux des renaissances. Le karma de solidarité nous enchaîne quand même les uns aux autres, bien que contrairement au karma de vengeance, le but soit plus positif et teinté de compassion.
Les amis : une famille dont on a choisi les membres.
(Alphonse Karr)
Le karma de solidarité ressemble étrangement au covoiturage. Vous savez quand vous partez mais vous ignorez quand vous reviendrez puisqu’il y a toujours des copassagers qui s’accrochent les pieds quelque part. On se dit alors : «zut, j’aurais donc dû prendre ma voiture!» Le versant égoïste de ce karma pourrait s’exprimer ainsi : «je ne veux pas souffrir ou me libérer tout seul…»; «je n’ai pas le droit d’être heureux si tu ne l’es pas…»; «t’as pas le droit de mourir si je reste coincé ici…», et ainsi de suite.
Heureusement que le monde va mal; je n’aurais pas supporté d’aller mal dans un monde qui va bien!
(Georges Wolinski)
Par ailleurs, de nombreux gourous enseignent qu’on ne peut pas se sauver individuellement, qu’on doit attendre la libération de tous les fragments de l’ego collectif planétaire. Croyance tout à fait noble et compatissante, certes, mais croyance quand même – rappelons-nous qu’une croyance est une chose qui nous tient à cœur parce que nous pensons qu’elle est vraie. Réservons donc cette opinion aux bodhisattvas. Si cette hypothèse était vraie, nous ne pourrions jamais en finir car de nouvelles recrues s’incarnent en batch régulièrement ici-bas; et l’école n’est pas à la veille de fermer ses portes.
À mon avis, ces théories fondées sur la solidarité sine qua non font partie des campagnes de marketing visant à ligoter les âmes sur terre, même si les auteurs sont relativement de bonne foi. D’autant qu’il est possible d’aider l’humanité à partir de plans d’existence non physiques.
Je me permets une digression concernant le film The Hours (Les heures, 2002) dont voici deux extraits en concordance avec le propos (traduction maison) :
Richard, un sidatique en phase terminale, demande à sa fidèle amie Clarissa (elle prend soin de lui depuis des années) :
- Tu vas m’en vouloir si je meurs? Je reste en vie uniquement pour te faire plaisir.
Ce à quoi elle répond :
- Eh bien… c’est ce que nous faisons… c’est ce que les gens font. Les gens vivent les uns pour les autres.
Pendant qu’elle ramasse les fringues et les ordures de son ami, Clarissa lui explique qu’elle ne peut vivre qu’en fonction des autres.
Il revient alors à la charge en lui demandant sur un ton assez raide :
- Que fais-tu de ta propre vie? Tu organises des réceptions pour ne pas affronter ta propre vie, pour couvrir le silence. Attends que je meure, tu vas être obligée de penser à toi! Tu crois que tu vas aimer?
Enfin, juste avant de se suicider devant elle, il déclare :
- Je t’aime. Je suis resté en vie pour toi, mais maintenant, tu dois me laisser partir.
Sur ces mots, il se laisse tomber par la fenêtre du loft.
Tout est dit. Puisque nous vivons dans un monde fixé sur l’extérieur, notre bonheur et notre malheur dépendent des autres et de notre environnement.
À un autre passage, l’écrivaine Virginia Woolf converse avec une fillette en train de caresser un oiseau qui vient de mourir. Un court dialogue s’ensuit :
- Pourquoi l’oiseau est-il mort?, demande la fillette.
- J’imagine que, pour lui, c’était le temps de mourir; un jour ou l’autre, il faut quitter la vie, répond Virginia.
- Qu’est-ce qui passe après notre mort à nous?
- Nous retournons là d’où nous sommes venus.
- Je ne me souviens pas d’où je viens.
- Moi non plus, dit Virginia.
Là encore, tout est dit.
- Regarder la vie en face. La reconnaître pour ce qu’elle est.
Et la quitter.
Et la quitter.
- Quelqu’un doit mourir pour que ceux qui restent apprécient davantage la vie.
(Virginia Woolf)
Notre amnésie nous fait croire qu’il n’y a de vie que sur terre, que nous ne pouvons exister que dans le monde matériel. Ce film représente une excellente tentative de démystification de la mort(1) et du suicide, ainsi qu’une invitation à se détacher des contrats karmiques basés sur la solidarité.
L’être éveillé sait qu’il ne peut guérir ni sauver personne.
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(1) Je trouve étrange d’entendre les sceptiques dire : «Personne n’est jamais revenu après la mort pour nous dire ce qui se passe de l’autre côté.» Pourtant, à l’heure actuelle, les témoignages abondent car de plus en plus de gens vivent des EMI (Expérience de Mort Imminente – NDE, Near Death Experience) tandis que d’autres peuvent voyager consciemment hors de leur corps.
La première fois que je suis spontanément sortie de mon corps – j’étais étonnée de le voir allongé sur le lit, immobile; sur le coup, j’ai cru que j’étais morte. Rien ne vaut l’expérience personnelle pour comprendre que la différence entre la mort et le sommeil ne tient qu’à un fil, ce cordon d’énergie que l’âme va rompre au moment de se libérer de la forme.
Nous ne cessons pas de vivre parce que nous dormons ou mourons; nous déménageons de plan de conscience temporairement durant le sommeil ou pour de bon à la mort, voilà tout. Les comptes-rendus de morts cliniques montrent bien comment l’ego, via le matériel astral, peut se créer un simili enfer ou paradis selon son système de croyances et ses illusions (voyez le Mini lexique du début : Plan astral). En haut comme en bas et en bas comme en haut, en effet! De nombreux egos planétaires choisissent délibérément de s’établir en permanence au plan astral après leur dernière vie terrestre. Pourquoi pas, s’ils y sont heureux?
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