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17 novembre 2010

La grande crise

Ce qu’on nomme le cafard n’est souvent qu’une éclipse de nos illusions et un éclair de notre lucidité.
(Alfred Capus)

Lorsqu’on perce le brouillard de la conscience sociale qui obstruait l’intégration de sources d’intelligence supérieures, on se tape une superbe crise de désillusion à tomber par terre. On a brusquement envie d’entrer au monastère ou de se suicider!

Le degré d’épuisement mondain ressenti par rapport à la condition humaine peut avoir suffisamment d’impact pour nous éjecter de l’autoroute virtuelle du désir et nous faire démissionner de la bureaucratie karmique.

J’imagine que personne n’est assez naïf pour croire que nous décrochons du système par amour pour «Dieu» ou pour retourner vers la lumière. Même pas. En réalité, nous voulons cesser de souffrir, nous libérer du stress ou sortir de l’ennui. Or il n’y a pas lieu de nous sentir coupables d’un choix qui confirme l’efficacité du plan de cours, au contraire.

«Que se passe-t-il lorsqu’on cesse de chercher? On découvre ce qui se cachait là depuis le départ, camouflé derrière la quête : un mal-être profond, un grand désarroi. Et l’on comprend que si l’on courait ainsi dans tous les sens, c’était moins pour trouver quelque chose que pour tenter d’échapper à ce mal-être fondamental. Cette prise de conscience est un moment extraordinaire : on éprouve un formidable sentiment de libération quand on se rend compte que la solution ne se trouve nulle part ailleurs qu’en soi, et que cela ne sert à rien de la chercher à l’extérieur. Une vérité qu’on ne fait qu’entrevoir, au début, mais qui deviendra de plus en plus évidente à nos yeux puisque par la force des choses on continuera de souffrir et d’être déçu. Ce qui est inévitable, car rien – ni nul – n’est parfait en ce bas monde. Que vous cherchiez le partenaire idéal ou le travail idéal, ou la maison de vos rêves, vous serez forcément déçu. Nos recherches nous amènent toutes au même point : la déception. Et c’est un excellent point de départ.» (Charlotte Joko Beck, Soyez zen; Pocket) 

La grave dépression suscitée par notre nouvelle lucidité se transforme tôt ou tard en sérénité. Nous nous sentons plus libres même si les soucis de la vie matérielle continuent d’accaparer la majeure partie de notre temps. Nous réalisons aussi que nous ne pouvons pas protéger les gens contre les drames qu’ils ont choisi d’expérimenter. Nous acceptons notre impuissance. La tradition bouddhique appelle le détachement profond qui suit l’éveil : indifférence divine.

L’être éveillé est dans ce monde sans être de ce monde.

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