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17 novembre 2010

Humour et détachement

Il y a deux façons de ne plus avoir envie de rien: avoir ce qu’on voulait ou être découragé parce qu’on ne l’a pas.
(Boris Vian) 

La vie ne cesse pas d’être drôle parce que les gens meurent ni ne cesse d’être sérieuse parce que les gens rient.
(George Bernard Shaw)

À mon avis, l’humour est un antidote. Je dis bien humour et non pas ironie. L’ironie se prend au sérieux, méprise et condamne; c’est une arme de guerre tactique qui fait rire jaune, blesse et tue. L’humour porte un regard lucide sur nos illusions et nos mélodrames – mais avec un sourire.

Sourire est la meilleure façon de montrer les dents au destin.
(Auteur inconnu)

Les propriétés thérapeutiques de l’humour nous aident à vivre, à passer au travers de nos blessures émotionnelles profondes. D’après le cardiologue Wilson Fry Jr, la peur, la rage, la frustration et la profonde tristesse sont les principales causes de la crise cardiaque. Il déclare que l’humour joue un rôle essentiel dans le maintien d’un cœur en santé : «L’humour agit sur la peur comme un catalyseur. La rage et la tristesse ne peuvent pas côtoyer la gaieté.» Le psychanalyste Martin Grotjahn, auteur de Beyond Laughter, affirme que «cultiver le sens de l’humour dénote une compréhension de la souffrance et de la misère humaine; l’humour reflète l’acceptation de nos faiblesses et de notre frustration.»

Pour mieux nous distancier de la victimite aiguë et de la bourreaumanie, nous pouvons nous amuser à exagérer nos émotions. Ce faisant, elles deviennent si ridicules que nous commençons à en rire malgré nous. J’utilise aussi la recette suivante : j’ouvre mon service de plaintes et je permets à mon ego de s’apitoyer sur son sort à raison de cinq minutes par jour. Pas davantage, car je n’ai pas envie de me taper la liste complète des jérémiades de cet éternel insatisfait. Je le traite comme un enfant de trois ans : «Oui, oui, maman va s’occuper de toi tantôt, c’est pas le moment. Amuse-toi avec ton robot cop 

L’humour n’élimine pas notre malaise devant les tracas mineurs ni notre douleur devant les désastres, mais il diminue les tensions et le stress. Il élargit notre champ de vision et nous donne du recul. Notre vie est faite d’absurdités : nos erreurs, nos bévues, nos manques. Personne n’est parfait, alors un brin d’humilité ne nuit pas.

L’humour intelligent est un antidote aux poisons de l’orgueil, de la colère, de la tristesse, du narcissisme, du jugement, du contrôle, de la culpabilité, des croyances, des valeurs superficielles, et ainsi de suite. L’humour nous fait voir comme il est ridicule de nous prendre au sérieux. Qui donc se prend au sérieux, si ce n’est l’ego?

La race humaine ne possède qu’une seule arme vraiment efficace, c’est le rire.
(Mark Twain) 

L’humour et le détachement ont un lien de parenté incontestable. Notre degré de détachement est inversement proportionnel à notre degré d’identification au robot biologique. Autrement dit, mon auto n’est pas «moi»; le corps physique n’est ni l’âme ni le Soi. Voilà que je me répète…

Une participante à un séminaire sur le détachement disait : «J’ai laissé des marques de griffes sur tout ce que j’ai dû abandonner». Lors d’un atelier de régressions (vies antérieures), l’animateur nous faisait revivre quelques morts vécues à diverses périodes de notre cycle d’incarnations, de même qu’une projection de celle que nous aurions à la fin de notre vie actuelle. Comme il était désolant de voir les gens pleurer et gémir sur leurs biens matériels ou les êtres qu’ils croyaient posséder!

Bien des gens confondent attachement avec amour et pensent que le détachement est synonyme d’indifférence. Rien n’est plus faux. Le détachement facilite l’amour sans condition car il nous permet d’aimer l’autre tel qu’il est et de le laisser vivre comme il l’entend. L’attachement ligote. Le maître et l’esclave sont prisonniers l’un de l’autre. Le détachement EST la clé de la LIBERTÉ.

People are bound because they bind others.
(William Shakespeare)  

Être attaché (ou dépendant), c’est être incapable de se passer d’une chose, d’un contexte ou d’une personne. Nous ne sommes pas obligés de renoncer à nos préférences, mais nous pouvons renoncer à notre dépendance envers elles. Si nous pouvons vivre heureux avec ou sans elles, c’est-à-dire sans être contrôlés par elles, nous sommes libres. L’un des plus grands défis de l’évolution spirituelle est sans doute d’apprendre à nous départir de ce qui ne nous sert plus, qu’il s’agisse de relations, de jobs, de façons de vivre, de comportements, d’attitudes, de croyances et de rôles (victime, agresseur, sauveur). Par analogie, on peut être attaché à la terre au point d’être incapable de se libérer du système une fois qu’on a terminé ses classes.

Si vous avez besoin de quelque chose, appelez-moi.
Je vous dirai comment vous en passer.
(Coluche)

La vie est mouvement. Le mouvement inclut le changement, la transformation. La mort est une transformation, voire, une promotion. Dire oui à une chose c’est dire non à une autre. Le plan de cours terrestre est d’une lenteur inouïe, évitons de stagner! Si nous cherchons à préserver le statu quo, «on» se chargera de nous faire avancer, coûte que coûte. Nous pouvons faire la sourde oreille aux chuchotements de l’âme, mais je peux affirmer par expérience, qu’il vaut mieux ne pas attendre un wake-up call impératif (un burnout par exemple) qui nous signale que nous en avons terminé avec une personne ou un contexte. 

J’ai toujours eu l’effroi des choses définitives. Il y en a qui ont peur de l’instable, moi j’ai la crainte contraire. Je n’aime pas que demain ressemble à aujourd’hui et la route ne me semble captivante que si j’ignore où elle me conduit.
(Alexandra David-Neel, Carnet de voyage)

La tradition bouddhique nous dit que ce n’est pas l’impermanence des choses qui cause notre souffrance, mais notre refus d’accepter qu’elles sont éphémères : «Renoncer aux choses ce n’est pas les abandonner. C’est simplement reconnaître qu’elles sont éphémères.» – Shunryu Suzuki Roshi.   

L’être éveillé aime sans condition et ne s’attache pas.

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