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10 janvier 2014

À redécouvrir – conclusion

Rôdeur, le ballon gardien de la série Le Prisonnier, pourrait symboliser le karma qui nous ramène à diverses cases du jeu karmique des serpents et des échelles : tout revient à soi, on ne peut pas se fuir soi-même, etc. En réalité, le prisonnier No 6 teste son propre système de détention. Pour sortir de prison, il faut d’abord réaliser qu’on est prisonnier; ensuite on peut procéder à un revirement intérieur fondamental qui pourrait nous sortir du système réincarnationniste. «Life is a stage», disait Shakespeare; il nous appartient de modifier le synopsis puisque nous sommes le directeur et le metteur en scène de notre vie.

Divers aspects du karma

Une question est habituellement posée par ceux qui entendent parler du karma et de la réincarnation pour la première fois : «Et l’hérédité?» Presque toujours ce qu’on connaît de l’hérédité paraît en contradiction avec ce qu’on croit savoir du karma. Mais il n’y a, en fait pas de contradiction réelle. Nous héritons surtout de nous-mêmes, non de la famille! La famille n’est qu’un fleuve sur lequel l’âme flotte.
       Le fait est que les lois de l’hérédité sont subordonnées à celles du karma… (…) Le courant de l’hérédité physique existe, mais d’autres lois d’attraction magnétique sont à l’œuvre, et leur effet est tel qu’une âme gravite infailliblement vers le groupe familial et les conditions physiques qui correspondent le mieux à ses exigences intérieures.
       Ainsi l’hérédité, et avec elle d’autres formes de causalité physique immédiates, sont, en réalité, subordonnées à la contrainte magnétique des lois du karma. Ceux qui attribuent toutes les tendances humaines à l’hérédité et toutes les maladies à des causes physiques immédiates peuvent, de ce point de vue, être comparés aux invités d’un banquet qui remercieraient les domestiques pour ce qu’on leur sert. Bien entendu, ce sont bien les domestiques qui leur apportent les mets à table; mais ils le font sur l’ordre de celui qui les emploie.
       Une autre objection communément soulevée à propos du karma est d’ordre éthique. Dans le cas du violoniste aveugle dont nous avons parlé, l’origine karmique de sa cécité avait été attribuée au fait qu’il avait aveuglé d’autres humains au fer rouge lorsqu’il appartenait à une tribu barbare en Perse. Il est normal qu’on se pose la question suivante : comment peut-on tenir quelqu’un pour responsable des coutumes de son époque? (…) Peut-on tenir des exécuteurs personnellement responsables? Et, si la réponse est négative, comment le barbare persan qui aveuglait les prisonniers de guerre ennemis de sa tribu, peut-il être considéré responsable? (…)
       Ces questions sont justifiées. Disons que ce n’est pas l’acte qui détermine le karma, mais le mobile, pas la lettre, mais l’esprit. En outre, il est hautement probable qu’il existe quelque chose comme une culpabilité sociale. C’est-à-dire que si les habitudes d’une société constituent un mal au sens ultime, tous les membres de cette société participent jusqu’à un certain point à cette culpabilité. Si, dans un sens éthique essentiel, il est mal de réduire en esclavage, de tuer et de mutiler d’autres êtres humains – et, selon l’antique sagesse, cette atteinte à la libre volonté d’un autre est un mal absolu – alors tous ceux qui sont membres de ladite société sont des coupables, ils sont coupables passivement s’ils ne le sont pas activement. La culpabilité augmente progressivement dans la mesure où, ayant conscience de la signification morale de la coutume, ils n’en continuent pas moins à l’approuver en ne faisant aucune tentative pour abolir le mal. S’ils participent activement à la perpétuation du mal, leur culpabilité augmente proportionnellement.
       Aveugler d’autres personnes uniquement parce qu’il se trouve qu’elles sont vaincues dans une guerre de tribus, c’est certainement un acte de cruauté. Si l’homme chargé d’accomplir la besogne qui consiste à brûler les yeux était lui-même l’adversaire d’une telle cruauté, et n’accomplissait cette tâche que parce qu’elle lui était imposée par son chef de tribu, on pourrait concevoir qu’aucune peine karmique ne lui fût imposée. Mais s’il remplissait son office en y consentant dans son for intérieur – c’est-à-dire en recélant intérieurement une cruauté correspondant à celle de la coutume, il déclencherait une cause karmique. (…)
       Si l’homme frappé de cécité, dans le cas dont nous parlons, avait, en Perse ancienne, mis à exécution l’acte d’aveugler avec l’esprit de sacrifice qu’apportent les sages dans tous les actes qu’ils font, sans satisfaire son goût propre pour la cruauté et la domination, aucun karma n’aurait été créé. Il s’ensuit, puisque l’acte a effectivement entraîné une conséquence karmique, que nous devons en conclure à la culpabilité de l’auteur de l’acte, culpabilité qui réside dans le fait pour celui-ci de s’être mis au niveau de l’acte qu’il était contraint d’accomplir pour obéir à la coutume de sa société. 

       Selon les lectures, les difformités dues à la naissance ne sont pas d’origine karmique. Ce point mérite un examen approfondi parce qu’il est important pour une compréhension complète du concept karmique. Quelques-uns qui croient à la réincarnation supposent, que toutes les causes appartiennent au passé, c’est-à-dire qu’ils croient que le malheur et la maladie du présent sont le symbole extérieur de quelque acte commis dans une vie passée. C’est une croyance erronée. La cause peut se trouver ou bien dans un passé immédiat ou bien dans un passé éloigné; en outre, il y a différents niveaux de cause : physique, émotionnel, mental, éthique.
       Un élément additionnel à prendre en considération est le fait que des accidents sont parfaitement possibles. Il arrive qu’une infirmité due à la naissance ou une infirmité postérieure, soient purement accidentelles en ce sens qu’elles sont sans lien avec des causes que l’individu auraient créées lui-même. (…) 

       …En tout cas, il faut reconnaître qu’une difficulté qui survient dans la vie, qu’elle soit dans son origine karmique ou non karmique, représente toujours une occasion de croissance spirituelle. Le karma lui-même ne doit pas être interprété dans un sens fataliste; nous voulons dire qu’il ne doit pas être regardé comme une force aveugle et inexorable. Le karma n’opère pas avec la précision automatique d’une machine dont un bouton de contrôle a été poussé.
       Le karma est une loi précise; mais son but est de donner à l’âme une occasion de retrouver la vérité cosmique de l’être et de s’aligner sur elle. Si donc l’âme se rend compte de ses propres défauts et prend l’initiative de se ramener dans la ligne, quelque terrain qu’elle déplace dans son mouvement de retour, c’est autant de gagné sur les effets contraignants du karma.
       Le but du karma est d’ajuster l’âme en donnant au mot ajuster le sens de parangonner que lui donnent les imprimeurs lorsqu’ils parlent d’ajustement pour dire qu’un caractère s’aligne bien avec un caractère d’un autre corps. Si l’on se rend compte de la véritable intention du karma qui est éducative ou ajustante dans ce sens, on se rend compte également que ces sanctions ne sont ni arbitraires ni inexorables. En conséquence, on n’accepte pas passivement la sanction, sans faire des efforts positifs en direction de l’apprentissage que la leçon spirituelle, dans sa contrainte, impliquait.
       Les lois du mouvement sont très instructives à ce propos. Lorsqu’un corps a été mis en mouvement, il se meut selon une certaine ligne définie. Si une autre force vient agir sur le même corps avec une direction différente de sa ligne originale de mouvement, le corps commencera à se mouvoir sur une autre ligne – une ligne qui est la résultante des deux impulsions différentes. Aucune énergie n’est perdue; aucune loi n’a été violée. Une ligne de force a seulement été modifiée par l’application d’une autre ligne de force. Il en est de même avec le karma : sa direction peut être défléchie ou modifiée et sa force diminuée par la mise en mouvement d’une nouvelle ligne de force, cette nouvelle ligne étant dans ce cas la pensée juste et l’action juste. On voit ainsi qu’une attitude de laisser-faire en face du karma n’est absolument pas nécessaire et manque au contraire son but.
       Cela est assez évident en ce qui concerne la personne vis-à-vis d’elle-même; mais une nouvelle subtilité éthique apparaît quand on considère l’attitude à prendre en présence de la situation karmique des autres. La constatation de l’existence du karma pose inévitablement un certain dilemme social. Le mauvais usage du pouvoir dans des incarnations passées conduit à des conditions difficiles. Si nous sommes persuadés que la plupart des afflictions ont leur source dans une transgression morale quelconque, quelle doit être notre attitude vis-à-vis des affligés? Quelle doit être notre attitude vis-à-vis de la condition sociale des autres? (…)

[L’auteur cite le poème de Walt Whitman «Je reste à promener mes regards sur toutes les douleurs du monde» que vous pouvez lire à :
http://artdanstout.blogspot.ca/2014/01/regards-sur-la-souffrance-du-monde.html ]

        Sans nous préoccuper des actes fautifs commis par les autres dans leurs vies antérieures, nous devons nous efforcer de les aider – en sachant bien que les barrières invisibles de la loi karmique ne permettront pas qu’il soit empiété sur l’essentiel de leur sanction, et en sachant aussi que l’indifférence devant la souffrance d’autrui est en elle-même une faute que nous commettrions.
       Dans un certain sens, le monde extérieur et nos frères humains ne sont qu’un terrain d’entraînement sur lequel nous pouvons apprendre à pratiquer les vertus de l’esprit qui nous sont nécessaires. Nous sommes nous-mêmes un terrain d’entraînement sur lequel les autres peuvent apprendre. En nous souvenant du premier fait, nous échapperons au leurre grandiloquent d’avoir à tort porté secours à l’humanité; en nous souvenant du second, nous devrions être amenés, à propos de nous-mêmes, à la fois à la dignité et à l’humilité. Nos propres fautes sont aussi pénibles pour les autres que les leurs pour nous; mais nos fautes sont pour les autres un enseignement, comme les leurs pour nous.
       Un autre aspect de cette matière subtile est le fait que la volonté de l’homme est libre et que tout, jusqu’au moindre détail, n’est pas prédéterminé dans l’histoire au sens fataliste. Ainsi, l’effort que nous faisons pour aider une personne affligée – que son affliction soit physique, économique, sociale ou psychologique – n’est pas seulement une expérience dont nous avons personnellement besoin pour nous perfectionner dans la pratique de la vertu d’amour; c’est une expérience qui peut réussir à modifier la vision mentale de l’autre, sa conscience et, par là, le cours de sa vie.
       En dernière analyse, il est nécessaire de comprendre profondément que tout karma est créé par le mental. Une erreur de comportement vient d’une erreur de conscience; un changement intégral de conduite ne peut dériver que d’un changement intégral de conscience. Le mental est le constructeur, et, à moins d’un changement de mentalité et de notion conceptuelle de l’énergie créatrice et de ses rapports avec elle, il est impossible de compenser le karma négatif. (…)
       La théorie de la courbure de l’espace – quoi qu’on en pense actuellement dans les milieux scientifiques – est en harmonie parfaite avec l’idée karmique, à la façon que voici : si l’univers peut être considéré comme circulaire par nature, et, par conséquent, prédisposant tous les mouvements cosmiques à être eux-mêmes circulaires, il s’ensuivrait que la loi du karma, comme nous l’appelons, ne serait autre chose que le résultat final du mouvement circulaire de chaque acte. Un acte, quel qu’il soit, constitue une utilisation de l’énergie. Le fait du karma peut donc être possible parce que l’énergie dirigée par la conscience contre un objet extérieur traverse directement cet objet, comme un rayon X perçant un solide, mais continue sa course circulaire autour de l’univers jusqu’à ce que, finalement, cette énergie revienne à celui qui l’a mise en mouvement, n’ayant rien perdu de sa force, malgré ses nombreux voyages.
       Ainsi, un acte bienveillant d’un homme envers un chat affecte objectivement le chat; mais l’énergie de cet acte continue son voyage circulaire vers l’extérieur jusqu’à ce que, finalement, elle revienne vers l’homme sous la forme d’acte bienveillant. Il en est de même d’un acte de cruauté contre un autre être vivant : cet acte a son effet objectif mais continue en cercle sa propre impulsion de vie jusqu’à ce que, finalement, il revienne sous la forme d’un acte de cruauté à celui qui en est l’initiateur.
       Bien que cette thèse ne soit qu’une fantaisie spéculative, l’idée a un certain pouvoir de suggestion comme pourra le découvrir chacun de ceux qui essaieront de l’appliquer pendant quelques jours. Si nous imagions que chacun des actes que nous accomplissons par rapport à d’autres personnes, commence un voyage circulaire qui se terminera en nous affectant exactement nous-mêmes, nous verrons que quelques-unes de nos impulsions seront purifiées et quelques-uns de nos actes ennoblis avec une surprenante instantanéité.
       Le concept karmique est important parce qu’il fournit une raison scientifique aux exhortations à la bonté que nous trouvons dans les diverses religions du monde. Paul Brunton n’exagère probablement pas lorsqu’il dit que la sécurité et la survivance de la civilisation occidentale dépendent du rétablissement de l’idée de karma dans la pensée des masses; car la connaissance du karma, bien comprise, donne à celui qui la possède, une approche qui est religieuse sans être superstitieuse, scientifique sans être grossièrement matérialiste. Le concept karmique donne à la fois à l’homme le courage de supporter et le courage d’oser. Il peut accepter les conséquences de ses propres actes passés avec une résignation dynamique plutôt que statique, sachant qu’à tout moment il a le pouvoir de lancer de nouveaux trains d’actions et de créer une destinée nouvelle et plus abondante.  
       …Le karma représente les frontières dans lesquelles les desseins et les créations de l’homme par lui-même doivent se tenir. Le karma est ce qui limite et discipline; mais il est en même temps le libérateur et l’ami. (…)

La réponse à tous les problèmes est au-dedans de soi

La phrase «la réponse est au-dedans» doit être entendue en des sens divers. Premièrement, il faut chercher la raison de toute difficulté au-dedans de soi, car d’après la loi de karma, tout ce qui arrive a été créé par nous et nous l’avons mérité. Les conditions extérieures ne font que refléter, à la façon d’un miroir, quelque chose qui se trouve au plus profond de nous-mêmes. Dans tout ce qui nous arrive, c’est nous-mêmes que nous rencontrons, et il s’ensuit qu’une auto-analyse aigüe nous donnerait la clef de tous les événements de notre vie.
       Deuxièmement, l’inconscient conserve le souvenir de tout ce qui nous est arrivé depuis le commencement de notre individualisation. Ainsi, nous avons en nous un réservoir de connaissance auquel nous pouvons puiser en immobilisant les sens extérieurs et en dirigeant notre attention vers l’intérieur, dans le processus de la méditation.
       Troisièmement, au plus profond de nous gît, emprisonnée, la splendeur, la divine essence par laquelle nous ne faisons qu’un avec l’énergie créatrice de l’Univers. La solution de tout problème est donc de nous tourner vers le dedans, vers cette énergie rayonnante émanant de notre soi divin. (…)
       À celui qui peut l’admettre, la réincarnation offre une raison de vivre, une étoile polaire pour le guider et la certitude qu’il n’est pas perdu dans un chaos de forces sans signification sur lesquelles il n’a pas de contrôle final.

Gina Cerminara (1914-1984)
De nombreuses demeures… (Adyar, 1984, réédition)
Many Mansions... (William Sloane Associates, 1950)

08 janvier 2014

À redécouvrir – 5

Illustration : Padma, Les vies antérieures; Tarot Zen 

Les dynamiques de la personnalité

Comme l’argument d’une histoire bien écrite, la vie est intéressante à raison de ses conflits. L’homme primitif avait surtout à lutter contre les autres hommes ou contre les forces de la nature. Mais, à mesure qu’il évoluait, l’homme voyait ses difficultés émaner de plus en plus des sources intérieures. Le conflit intérieur a été décrit, à différentes époques, comme l’opposition entre le bien et le mal, entre l’esprit et la matière, entre la raison et la passion, entre la conscience et l’impulsion ou entre le conscient et l’inconscient.
       Toutes ces descriptions contiennent une part de vérité, mais elles n’expliquent pas la friction intérieure avec la pleine signification que lui donne la manière de voir réincarnationniste. Selon le principe de réincarnation, la source première du combat est l’erreur que fait l’esprit en s’identifiant au niveau de densité spirituelle appelé «matière», à travers lequel il est contraint de s’exprimer pour évoluer. Cette fausse identification mène à un comportement séparatif et égo-ïste; et ce comportement mène, à son tour, à la mise en mouvement des aspects rétributifs du karma. L’action karmique objective la mauvaise conduite de l’homme de telle manière qu’il en devient lui-même prisonnier; et c’est pourquoi cette prison est la source première et le fondement de l’angoisse mentale de l’homme. Sa lutte contre des barreaux invisibles de la cellule de prison dans laquelle il s’est lui-même enfermé, constitue la forme primaire du conflit intérieur.
       Mais il existe une autre source de conflit. Il faut se rappeler que le karma a deux aspects, l’aspect rétributif et la continuité. En raison de ce dernier aspect, bien des éléments incongrus ou des tendances venues du passé peuvent se faire jour en même temps, créant une nouvelle source de conflit intérieur.
      …Une tendance est une forte impulsion ou un désir montant de quelque expérience de vie passée. (…) Des impulsions contradictoires donnent lieu à une lutte consciente quand il s’agit du choix d’une profession. La lutte peut se résoudre en une combinaison de deux tendances ou l’abandon de l’une en faveur de quelque chose d’autre (…).  
       Une lutte encore plus difficile que celle qui est provoquée par des impulsions contradictoires, naît lorsqu’une tendance n’a pas été suffisamment neutralisée. Par exemple, un homme peut avoir une tendance à l’arrogance, tendance d’une vie passée, au cours de laquelle il disposait d’un pouvoir arbitraire sur un peuple opprimé. Dans une vie suivante, il a été un enfant infirme, vivant dans un taudis; son arrogance a subi un arrêt karmique et l’attitude contraire de tolérance et de sympathie a été induite jusqu’à un certain point. Mais l’arrogance n’a été effacée ou neutralisée que d’une façon incomplète. En conséquence, deux impulsions contradictoires habitent maintenant le conscient à propos du même trait de caractère. C’est pourquoi la personnalité présente une inconsistance apparente qui s’exprime par des attitudes alternées d’arrogance et de tolérance. L’individu lui-même se rend graduellement compte de son inconsistance; si des idées sur la fraternité s’emparent de lui, il commencera plus consciemment la lutte pour empêcher le réveil de l’ancienne arrogance. Mais la conscience de leur propre inconséquence manque à beaucoup de gens.
       On trouve dans la personnalité de cet homme deux contradictions de base. La première est une tendance à être par moment introverti, renfermé, silencieux, froid, asocial, studieux, hors du monde; et à d’autres moments, extraverti, expansif, jovial et sensuel. (…)
       Être lucide devant une inconsistance, choisir délibérément celle des deux personnalités qui semble la plus souhaitable, et faire effort pour vaincre ce qu’il y a d’antithétique entre les deux, semble être la meilleure manière de s’attaquer à un conflit profond. (…)
       La psychanalyse réincarnationniste diffère de la psychanalyse ordinaire en ce qu’elle suppose que toutes les expériences de la vie sont conformes à un plan, fait avant la naissance par le Surmoi ou Éternelle Identité. Si la personnalité est capable d’apprendre sans révolte la leçon qui lui est enseignée par les circonstances de sa vie, la névrose n’est pas indispensable; l’effondrement ne se produit qu’afin que, dans une banqueroute extrême, l’obstination de la personnalité se dissolve, et afin que la conduite se conforme au plan de vie du Surmoi.
       Le but inconscient de la vie, tel que le conçoit la psychologie, est habituellement égoïste et matérialiste, choisi par la personnalité séparative ou ego, pour sa propre sécurité imaginaire et sa conservation, alors que le but superconscient de la vie est non matériel, parce qu’il vise à donner à l’âme des leçons spirituelles et des qualités. Si la personnalité prend conscience du but intérieur en vue duquel elle s’est incarnée, et si le but conscient de la vie coïncide avec le but superconscient, les progrès peuvent être beaucoup plus rapides car, dans ce cas, il n’est pas opposé de résistance intérieure aux expériences didactiques de la vie.
       L’existence dans l’inconscient de tendances profondes et souvent contradictoires qu’il nous faut apprendre à compenser, est un concept de toute première importance dans la psychologie réincarnationniste. Ce concept a plusieurs importantes implications, et peut éclairer certains domaines de la psychologie actuelle. D’abord, il offre une solution possible au problème de la personnalité double et multiple.
       La double personnalité est bien connue du grand public par la large diffusion qu’a eu le récit romantique de Stevenson, Dr. Jekyll et M. Hyde. Ce qui est moins connu, c’est le fait que les cas de personnalités non seulement doubles, mais triples et multiples sons fréquents dans les annales de psychologie anormale, et que, de plus, beaucoup des altérations de la personnalité qui se produisent sont aussi dramatiquement contrastées que la différence entre Dr. Jekyll et M. Hyde. (…)
       …Cependant, en présence de tous les éléments, on peut faire état d’une de ces deux possibilités quant à l’altération de la personnalité : ou bien la possession successive par deux ou plusieurs entités désincarnées; ou bien une résurgence anormale du souvenir d’une précédente personnalité de l’individu. (…) La deuxième hypothèse – c’est-à-dire la résurgence de souvenirs d’autres vies – est suggérée comme une extension du phénomène de report des tendances d’une vie dans la suivante.
       La seconde implication importante du concept de report des tendances d’autres vies, vise ce qui est connu en psychologie sous le nom de «spécificité des traits». (…)
       Selon le principe de réincarnation, la spécificité des traits n’est pas due seulement aux satisfactions et aux désappointements qu’on a éprouvés pendant ses années de formation, mais encore aux expériences éducatives vécues au cours de beaucoup d’incarnations précédentes. (…) Il est possible qu’on ait appris sa leçon concernant les égards pour la vie humaine et pas celle qui concerne les égards dus à la vie des animaux.
       De telles inégalités de caractère sont communes à l’humanité entière et se comprennent mieux à la lumière de la psychologie réincarnationniste. Un jeune homme absolument sincère et bien intentionné peut être gravement préoccupé, par exemple, de paix mondiale et de justice sociale universelle. Il s’indigne si quelqu’un, dans le feu d’une discussion, lui dit qu’il a une nature foncièrement cruelle. Il repousse absolument cette accusation et a le plus grand mépris pour celui qui la profère; mais, quelques mois plus tard, un concours inhabituel de circonstances l’amène à se rendre compte qu’en fait, il existe dans sa nature une certaine cruauté qu’il ne soupçonnait pas et qui se révèle dans l’effort délibéré qu’il fait pour dominer les autres et leur retirer toutes croyances qui les consolent. Cette découverte soudaine de soi le remplit d’horreur; il ne peut comprendre la coexistence en lui de son idéalisme, de sa bienveillance pour les hommes en général, et de son hostilité envers les humains en particulier. Il commence à se demander s’il est vrai qu’il soit foncièrement cruel comme le prétend son adversaire, et si tous ses projets idéalistes n’auraient été que des hypocrisies par le moyen desquelles il se trompait lui-même.
       Ou bien, prenons le cas de cette femme riche qui s’était toujours considérée comme très généreuse. Elle découvre soudain, à l’étonnement de sa conscience blessée, qu’elle est généreuse en ce qui concerne les objets matériels, mais qu’elle manque totalement de générosité dans les jugements qu’elle porte sur la conduite des autres.
       Des découvertes de cette espèce sont fréquentes parmi les personnes qui ont de la maturité psychologique, et elles sont très troublantes. Elles ébranlent la confiance qu’on a en soi, font douter de sa propre intégrité et peuvent aller jusqu’à paralyser tout effort. Des souffrances de cette sorte résultant de l’introspection sont, sans aucun doute, des étapes utiles de notre croissance. Mais la connaissance tend à dissiper l’anxiété, cette connaissance que les inégalités de notre nature sont dues à des expériences variées dans le passé de notre âme. Si nous acceptons la découverte, nous pouvons arriver à regarder nos disparités intérieures sans passion, en nous rendant calmement compte qu’il est en notre pouvoir de les niveler, qu’en vérité, les expériences pénibles de la vie ne se produisent, précisément qu’en vue de ce nivellement. En définitive, toutes les qualités sont acquises en tenant compte de tous les domaines de l’âme. Mais nous ne pouvons pas nous attendre à ce que tout se fasse à la fois; ce n’est pas sans de bonnes raisons que l’année scolaire a neuf mois par an, qu’on travaille cinq jours par semaine, et ce n’est pas, sans de tout aussi bonne raisons qu’il nous faut plusieurs vies pour compenser ce qui ne l’a pas encore été en nous.
       …Quand on aura bien compris l’inégalité des tendances, leur rivalité mutuelle et leur incomplète neutralisation, la compréhension de soi comme celle des autres sera incommensurablement plus raffinée.
       La connaissance de l’existence en soi de tendances venues de vies passées compte une autre implication, notamment à ce qu’on pourrait appeler : l’illusion d’innocence. Pendant des siècles, nous avons été préoccupés du problème de l’innocence et du péché originel. Bien des philosophes ont traité de la vraie nature de l’enfant qui vient de naître – foncièrement bonne ou foncièrement dépravée. Platon considère que le mental de l’enfant nouveau-né est rempli de réminiscences d’existences précédentes; Locke le voit table rase, page blanche sur laquelle les sensations s’inscrivent en impressions dont les concepts deviennent des idées. Les théologiens considèrent les enfants comme portant la tare du «péché originel» d’Adam et Ève dont seuls les sacrements voulus peuvent rédimer.
       Du point de vue réincarnationniste, tous les hommes naissent certainement avec un héritage : les comportements de nos sois antérieurs. (…)
       [L’illusion d’innocence fait en sorte que] pour la plupart d’entre nous, nous sommes persuadés d’être beaucoup plus souvent l’offensé que l’offenseur, la personne maltraitée plutôt que celle qui maltraite. Nous nous croyons tous bons et innocents. Ceci peut être attribué partiellement à l’orgueil naturel de la créature; mais c’est beaucoup plus le fait du bain d’oubli dans lequel nous avons été plongés : notre mauvais passé nous est dissimulé par la bienveillance de la nature. (…)
       Celui qui a une vue perspicace du caractère humain aperçoit avec exactitude les fonds dangereux dont la personnalité inconsciente n’est pas consciente. En certaines personnes, on voit une haine latente; en d’autres, une avidité de domination; en d’autres encore, une froideur glacée. (…)
       Qu’une pénible expérience se présente et la personnalité peut être tentée de se plaindre : Je n’ai rien fait pour mériter cela. Mais l’innocence n’est qu’une illusion; sa logique n’est pas plus raisonnable que celle de ce Français qui, jugé pour avoir assassiné son père et sa mère, reconnaissait sa culpabilité mais demandait l’indulgence parce qu’il était orphelin. Dans le procès fait à la personnalité, celle-ci n’avoue pas, parce qu’elle n’a pas en toute sincérité conscience du mal fait; mais elle demande l’indulgence parce qu’elle est orpheline, alors que c’est son propre crime qui l’a mise dans cette situation. La personnalité s’est incontestablement rendue coupable de quelque mal ou de quelque faiblesse, sinon le malheur ne l’eut point frappée. Car personne ne rencontre le mal s’il n’y a pas quelque mal latent en lui qui l’attire par vibration.
       Les vicissitudes de la vie ont pour but éducatif de modifier le caractère, qu’il s’agisse de calamités extérieures comme la guerre, la peste ou l’inondation, ou qu’il s’agisse de tensions intérieures ou de conflits. Quand la psychologie reconnaîtra que toutes les vicissitudes ont un but sur la spirale de l’évolution, elle aura fait un grand bon en avant.
       De même, les professionnels de la religion, qu’ils soient prêtres, pasteurs, rabbins, brahmanes ou tout ce qu’on voudra, devraient avoir une compréhension profonde des organismes de la vie, intérieurs ou extérieurs, qui opèrent des modifications sur le caractère humain. Quand, dans leur désespoir les hommes leur demandent le sens des tragédies de leur vie, ils pourront les consoler et les encourager d’une manière vraiment scientifique, leur donner des explications qui ont la clarté et la précision d’une équation algébrique, la grandeur et l’élan exaltant d’un coucher de soleil en montagne.
 
Gina Cerminara (1914-1984)
De nombreuses demeures… (Adyar, 1984, réédition)
Many Mansions... (William Sloane Associates, 1950)


COMMENTAIRE

C'est un fait que nous pouvons nous trouver bien bons et bien sages dans notre vie actuelle, mais c'est simplement parce que nous avons en effet appris certaines choses. Mais les gens qui ignorent ce fait sont souvent portés à condamner ceux qui ne sont pas rendus à la même étape. Facile de tomber dans ce piège.
       Il est bien évident que l'idée n'est pas de cautionner les actes de cruauté et de malveillance humains, mais nous pouvons aussi comprendre que les individus qui s'y adonnent fonctionnent avec ce qu'ils sont dans cette vie-ci.
       Et être une vieille âme ne signifie pas avoir tout compris, tout appris. Ça pourrait être le contraire, car si nous sommes encore ici, c'est que nous n'avons peut-être rien compris... :-)

02 janvier 2014

À redécouvrir – 4

 «Je rêve toujours d’être millionnaire, comme mon maître!… Il rêve aussi.»

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L’habilité professionnelle a son origine dans les vies antérieures

L’immortalité, dans la vue commune de la théologie chrétienne, s’étend dans une seule direction – celle de l’avenir. À la lumière des nouvelles conceptions que fournit la physique à quatre dimensions et dans laquelle le temps est aboli, une vue comme celle-là semble quelque peu incomplète. Sans même parler de spéculation scientifique et en ne se plaçant qu’au seul point de vue de la foi religieuse, il semblerait que l’esprit dût être essentiellement hors du temps; qu’en conséquence, si l’âme ne connaît pas de mort, elle ne devrait pas davantage connaître de naissance. Si elle doit exister éternellement à l’avenir, il faut qu’elle ait également existé éternellement dans le passé. L’épisode biologique que nous délimitons au moyen des expressions «naissance», «vie» et «mort» doit donc n’être qu’une apparence, une projection, pour ainsi dire, de l’âme éternelle immatérielle.
       Cette manière de voir, bien que la théologie chrétienne moderne l’ait amplement rejetée, était admise par les premiers gnostiques. Nombre de poètes modernes ont exprimé cette idée, le plus souvent cité parmi eux étant probablement Wordsworth dans ses Intimations of Immortality («Indices d’immortalité»), Le sentiment exprimé par Wordsworth que notre naissance n’est qu’un sommeil et un oubli était parfaitement fondé à la lumière de la sagesse antique. Sa conviction que l’âme qui s’élève en nous a, quelque part ailleurs, son décor et vient de loin, a été citée valablement par des centaines de croyants en la préexistence («Nous arrivons en traînant des nuages de gloire.»). Un réincarnationniste souhaiterait qu’il eût parlé avec un peu moins de romantisme et un peu plus de réalisme psychologique. (…) Les faits psychologiques paraissent être plus prosaïquement – et aussi plus humblement et d’une façon plus stimulante – que nous n’arrivons pas en traînant tellement de nuages de gloire, mais plutôt une très lourde charge d’aptitudes et de lacunes accumulées, de défauts et de qualités, de faiblesses et de forces. (…)
       Le principe de continuité opère en ce qui concerne les aptitudes humaines et devient ainsi un facteur important dans la vie active de l’homme.

Une philosophie pour le choix d’une profession

Le désir de développer un nouveau talent ou une qualité semble un élément important du destin de l’âme. Ce désir acquiert graduellement une force accrue et prend des formes et une direction de plus en plus précises, jusqu’à ce qu’enfin, par le choix des parents et du milieu convenables, l’âme soit mise à même de perfectionner ce nouvel aspect de sa nature. Il apparaît clairement qu’une âme peut se familiariser en se retrouvant avec une personne douée de ce talent ou de cette qualité*.
       Il faudra peut-être plusieurs vies pour réaliser pleinement la transition d’une habilité à une autre, sous l’impulsion du désir. Si cette inférence est correcte, elle devrait être un précieux encouragement pour ceux qui se sentent médiocres dans leur profession. Il se peut que la médiocrité, comparée à l’excellence des autres, soit due au fait qu’ils n’en sont qu’à leur premier ou leur second essai dans un domaine nouveau.
       À côté du désir, le karma paraît être un facteur important dans la détermination de changer de profession. Il est évident que l’arrivée à maturité d’un karma d’infirmité physique interromprait, par exemple, le succès d’une carrière de danseur perfectionnée par plusieurs vies successives. En faisant obstacle à la libre expression d’une vocation, une affliction de cette sorte amènerait la nécessité d’un changement pour une vocation différente, et, peut-être le réveil d’un autre talent depuis longtemps enfoui. (…)
       Quel que soit le plan fondamental, ceci, à tout le moins, est clair : il existe, dans de nombreux cas, une interaction étroite entre problèmes professionnels et problèmes spirituels. Autrement dit, souvent, une difficulté professionnelle semble subordonnée à un défaut de caractère devant être corrigé. (…) Tolstoï notait que les conditions de la vie ressemblaient beaucoup aux échafaudages d’un immeuble. Les plates-formes de bois servent seulement de squelette externe au moyen duquel le travail de construction intérieure se fait. Mais le cadre extérieur n’a pas d’importance définitive en soi et n’est pas permanent. Dès que l’immeuble est terminé, on retire les échafaudages. Peut-être les professions peuvent-elles être vues sous ce jour – comme la matrice dans laquelle se forment certaines parties de la croissance spirituelle.
       D’autre part, il se peut que les vocations ne soient pas toujours au service du développement de quelque qualité morale. Peut-être sont-elles intrinsèquement nécessaires comme autant de domaines matériels que l’esprit doit conquérir. Peut-être, dans le cadre de chacune de ses activités, l’homme apprend-il à comprendre et à dominer la matière dans tel ou tel domaine de la manifestation; à comprendre les principes de la vie, et à travailler avec eux. (…)
       L’égarement en ce qui concerne le choix d’une profession est extrêmement répandu. Mais tout autant qu’un handicap physique, cette indécision peut avoir un but éducateur; elle peut être nécessaire à un examen plus approfondi du sens de la vie et du travail, et à une compréhension plus spirituelle du sens de l’identité par rapport aux autres entités. Tandis que certaines entités paraissent pénétrer dans le plan terrestre avec une vocation si nettement dessinée qu’elle se manifeste dans l’âge tendre, il est possible que d’autres se trouvent dans une phase de transition.
       Certaines facultés peuvent demeurer longtemps oubliées et inertes dans les coffres subconscients de la mémoire; mais la faculté une fois éveillée, se révèle capable de s’épanouir en véritable compétence professionnelle.
       Une façon de découvrir nos aptitudes inconnues et de les libérer, c’est de pratiquer des activités secondaires, un «violon d’Ingres».  Tout probablement, les intérêts ardents que nous manifestons ont leur source dans des activités pratiquées au cours d’autres vies. Si l’on cultive une inclination, on peut réveiller des souvenirs inconscients profonds et les aptitudes acquises dans cette vie passée. Il se peut que nous soyons amenés vers des personnes avec lesquelles nous avons eu des liens dans la même vie passée, source de notre nostalgie commune. C’est surtout par les êtres que le cours de notre vie change. La rencontre de ceux avec lesquels nous avons eu d’anciens liens karmiques peut révolutionner totalement notre vie en nous ouvrant des sphères d’activité qui nous fussent, autrement, demeurées closes.
       Le doute et la confusion en ce qui concerne le choix d’une profession peuvent être dus non seulement à une pauvreté de dons, mais aussi à une surabondance. Il semble bien que certaines personnes aient eu un si grand nombre d’incarnations, et si variées, et qu’elles aient acquis dans chacune d’elles par l’intensité de leur zèle de telles facultés, qu’elles soient écartelées entre les unes et les autres. Bien des jeunes très doués sont torturés par l’indécision et l’impossibilité de se donner un but malgré la richesse de leurs dons.
       Servez-vous de ce que vous avez sous la main; commencez au point où vous en êtes. Ce conseil peut paraître bien superflu tant il est évident; et pourtant, comme beaucoup d’autres vérités évidentes, il a besoin d’être formulé à nouveau en raison de la tendance qu’ont les humains à négliger des faits simples, tout proches, en faveur de ceux, plus distants et plus complexes, qui les intéressent davantage.
       Ils sont nombreux ceux qui, pris par la vision de services à rendre à l’humanité, baignent, soit dans une brume d’idéalisme  vague, soit dans une effervescence de zèle anxieux. Leur nouvelle perspective du but à atteindre peut les surprendre au beau milieu d’une vie dont ils n’ont pas la possibilité pratique de se dégager. Leurs responsabilités vis-à-vis de leur famille, ou des obstacles financiers qui les empêchent d’acquérir des connaissances spéciales, s’opposent à ce qu’ils remplissent cette mission vers laquelle ils viennent de se sentir attirés. Un voyage de plusieurs milliers de kilomètres commence par un pas; ce pas, il faut le faire à partir du point où l’on se trouve.
       Bien des personnes savent exactement ce à quoi elles voudraient arriver en art, en science, en politique. Mais en raison d’une myopie matérialiste erronée elles s’arrêtent en chemin et demeurent dans l’inaction; leur but semble impossible à atteindre. Dans l’ignorance où elles sont de la continuité de la vie et de l’effort, elles ne se rendent pas compte que le temps n’a pas d’importance, et que ce qu’elles ont commencé dans une vie porte ses fruits dans une autre. L’illusion de ne disposer que de peu de temps donne l’impression exacte qu’il est impossible de devenir, par exemple, un grand musicien au cours d’une seule vie; si toutefois, elles permettent à cette pensée de paralyser leur volonté à un point tel qu’elles cessent complètement de travailler la musique, elles se mettent au point mort et laissent, pour d’autres incarnations, tout le travail à faire. Mais en appliquant la sagesse à vue lointaine synthétisée dans le conseil d’utiliser ce qu’on a sous la main, de commencer où l’on se trouve, la paralysie est dissipée et les énergies libérées dans la bonne direction. (…)

[* Note perso : De toute évidence, les enfants de Jean Sébastien Bach se sont incarnés en espérant hériter de son oreille universelle et parfaire des aptitudes musicales.] 

Déduction auxquelles on arrive sur les aptitudes humaines

À notre niveau actuel de civilisation et de compréhension spirituelle, il arrive que l’envie soit un stimulant pour l’action, à défaut d’autres mobiles. Mais lorsque l’envie conduit à la méchanceté, à la haine, à la médisance, à la calomnie, à la rancune et à toutes les vilenies apparentées, elle est le mal. La multiplicité des talents est, de toutes choses, peut-être la plus enviée; l’homme ou la femme qui cherche à établir sa valeur en plusieurs domaines et arrive à atteindre une certaine notoriété dans chacun d’eux est, par progression géométrique, plus envié, et par plus de gens, que celui qui ne réussit qu’en une seule branche. C’est en raison de cette réunion même de talents qu’on veut être admiré et, jusqu’à un certain point, on y parvient. On obtient, à tout le moins, un hommage verbal; mais au tréfonds des cœurs habitent l’inimitié et la rancœur, parce que celui qui a des dons nombreux est accusé de dépouiller les autres (c’est ce qu’ils croient) de leur propre prétention à valoir quelque chose.
       Mais si tout le monde savait que toutes les aptitudes sont à la portée de chacun de nous, il serait normal de voir l’envie diminuer, tandis que la multiplicité des talents augmenterait parmi les hommes. L’ordre spirituel de l’univers, contrairement à certains systèmes économiques, ne demande pas que les possédants soient en petit nombre aux dépens de la masse qui ne possède pas. Toutes les ressources sont également accessibles à tous les hommes à la condition qu’ils en usent avec pureté et altruisme.
       En outre, la connaissance des faits de l’évolution dans le domaine professionnel devrait non seulement faire décroître le sentiment séparatif de l’envie, mais encore augmenter le sentiment unitif de l’admiration. Le fait que des êtres humains expriment des aspects de notre Soi que nous ne sommes pas aptes à exprimer dans notre propre incarnation, trop occupés que nous sommes à d’autres choses, mérite vraiment notre admiration.
       La frustration, comme l’envie, a une importante fonction psychologique. Si nécessité rend ingénieux, nous pouvons dire de même que frustration est mère de création. La frustration, comme la compression de la vapeur, sert à canaliser les énergies humaines dans des formes qu’elles auraient pu ne jamais adopter, tout simplement à cause de leur liberté de se disperser.
       Bref, comme toutes les autres réalités de l’univers manifesté, la frustration a sa polarité d’aspects bénéfiques et maléfiques. Lorsque la frustration contraint l’homme à élaborer de nouvelles qualités et à créer de nouvelles formes d’art, elle est bonne; lorsqu’elle fait perdre à l’homme son équilibre, de telle sorte que les forces de vie demeurent stagnantes en lui, la frustration est mauvaise. C’est cet aspect maléfique de la frustration que combat la croyance en la continuité des vocations d’une vie à l’autre.
       On raconte qu’un escargot, par un matin glacial de janvier, se mit à grimper le long du tronc gelé d’un cerisier. Comme il montait lentement, un scarabée sortit sa tête d’une fente de l’arbre et lui dit : «Mon vieux, tu perds ton temps. Pas l’ombre d’une cerise là-haut!» Mais le colimaçon poursuivit son petit bonhomme de chemin et dit : «Il y en aura quad j’arriverai.»
       Lorsqu’on est profondément convaincu de la continuité des vocations d’une vie à l’autre, on acquiert intérieurement quelque chose de la vision lointaine et de la confiance paisible patiente de cet escargot. 

       Pendant longtemps encore, l’homme devra nécessairement se sentir frustré par les conditions karmiques qu’il s’imposera lui-même, et par les conditions de l’existence manifestée. Mais la frustration ne doit ni nous diminuer, ni nous inhiber, ni nous accabler; nous pouvons apprendre à danser même enchaînés par elle et à chanter jusque dans ses prisons. Quand la frustration est inévitable, nous pouvons apprendre à l’accepter patiemment, d’une façon positive et même avec joie, et jeter ainsi les fondations de nos propres victoires futures au cours de civilisations qui sommeillent encore dans la matrice du temps.

Gina Cerminara (1914-1984) 
De nombreuses demeures… (Adyar, 1984, réédition)
Many Mansions... (William Sloane Associates, 1950

26 décembre 2013

À redécouvrir – 3

Couple, famille et karma

Beau petit mariage idyllique...

Quelques problèmes que pose le mariage

Quand ils se sont choisis, les deux partenaires constituaient une combinaison karmique donnée, ils sont soumis à une certaine interaction psychologique. (…) En faisant une comparaison avec le théâtre, on pourrait décrire la situation comme il suit.
       En prenant la décision de se prendre pour époux, un homme et une femme se sont mis d’accord, sans le savoir, pour jouer à nouveau ensemble – tels des camarades comédiens – comme ils l’avaient déjà fait antérieurement à plusieurs reprises. Ils ont fait ressurgir une certaine mise en scène pour la pièce qu’ils vont jouer dans cette vie-ci. Il pourra y avoir, dans le décor, plusieurs plans successifs : pris dans le lointain passé et pour servir de fond à ce qui va se jouer. (…)
       À présent, ils reprennent les fils du drame qui s’est joué entre eux à la cour de France par exemple, brillante et sophistiquée. Les rivalités, les intrigues, les trahisons et les tromperies peuvent avoir été les événements des actes précédents, dont le rythme crescendo atteignit son maximum dramatique dans la haine et le meurtre. Ou bien des épisodes ont pu se succéder à travers les époques avec moins de violence; peut-être les plus récents éléments de conflits ont-ils été des formes plus subtiles de cruauté psychologique : l’insolence, l’égoïsme, la raillerie, l’indifférence.
       Mais quel qu’aient pu être les faits dramatiques antérieurs, les deux protagonistes de cette nouvelle pièce ont, à tout moment, la possibilité de modifier le développement de l’intrigue. De même que dans la célèbre commedia dell’arte italienne où la troupe s’est entendue sur une esquisse générale de l’action mais où les acteurs improvisent leur texte et créent les situations et leur dénouement à mesure qu’ils jouent, les acteurs de cette nouvelle pièce sont libres, à tout moment, de modifier la trame de l’intrigue et de racheter ainsi la faiblesse des actes précédents.
       Ou bien, pour quitter l’analogie théâtrale, nous pourrions dire que chaque personne use de son libre arbitre pour choisir son partenaire en mariage comme en toute chose, mais que le fait de choisir ressemble au fait de monter dans l’autobus; une fois dans le véhicule, on est tenu à un certain trajet fixe, à une certaine direction générale qui sont différents de ceux qu’on aurait empruntés en choisissant un autre autobus. En outre les conditions dans l’intérieur de l’autobus peuvent n’être pas entièrement à notre goût. Le conducteur peut être désagréable et grossier, l’atmosphère étouffante, les vitres impossibles à ouvrir et notre voisin trop bavard. Un nombre imprévu d’incidents de toutes sortes peuvent se produire sur cet autobus 92 qui ne se fussent pas produits sur le 63. Mais l’attitude que nous aurons et notre conduite générales pendant le trajet dépendent de nous-mêmes, et quelles que puissent être les circonstances, nous sommes finalement responsables de notre attitude et de notre conduite. (…)
       Malheureusement, la psychologie moderne ne tient presque jamais compte de la puissance de l’amour. L’amour, pour la plus grande partie des analystes, est une manifestation de la libido; depuis, les brillantes expériences de Watson sur les bébés qu’on feignait de laisser choir pour calmer leur angoisse par des caresses, les psychologues admettent que l’amour est une des trois émotions humaines légitimes. Mais l’amour en est encore à se faire officiellement admettre comme une force positive de l’univers et, en conséquence, comme une des qualités essentielles des parties fragmentaires que nous sommes – comme le dissolvant souverain de tous les maux humains. Peut-être cela tient-il à ce que le mot intimide les psychologues. Nous comprenons leur réticence – si tant est qu’il s’agisse de réticence – car si le mot « amour » était aussi claironné que l’a été le mot « service », il ne manquerait pas d’être tout aussi dégradé par la fausse boursouflure commerciale et par la pseudo-noblesse que l’est ce dernier mot.
       Le mariage commence habituellement dans l’illusion de l’amour possessif. Ses vicissitudes et ses tristesses n’existent que pour nous enseigner la vérité de l’amour en tant qu’être.

Infidélité et divorce

Dans tous les pays où la monogamie est la règle, l’infidélité est un problème conjugal est très répandu. Peut-être l’explication fondamentale de cette fréquence est-elle biologique.
       Il faut bien entendu ajouter aux facteurs biologiques des facteurs sociaux psychologiques qui contribuent à l’infidélité conjugale.  Mais si l’on adopte le point de vue réincarnationniste, il devient intéressant de rechercher si l’infidélité peut avoir des origines karmiques. (…)
       Les répertoriés semblent bien indiquer que la déloyauté de l’un des conjoints obéit à une nécessité karmique, bien qu’ils ne prouvent pas que tous les cas d’infidélité soient karmiques. (…)
       En l’absence de connaissance clairvoyance des faits des vies antérieures et des mérites de chaque cas, on reconnaît qu’il n’est pas facile de découvrir quand il est légitime de rompre les liens. (…) Selon le point de vue réincarnationniste, le mariage est une institution beaucoup moins sacro-sainte que ne l’imaginent les gens. Si la société veut que le mariage soit indissoluble, cela est bel et bon; sinon, c’est bel et bon également. La loi cosmique ne sera tournée ni par l’un ou l’autre système; Les formes extérieures que l’homme établit sont presque aussi arbitraires et dénuées d’importance que les règles de l’écarté. En dernière analyse, les règles que l’on établit pour un jeu, quel qu’il soit, n’ont aucune importance, parce qu’à travers les formes et les conventions de tous les jeux, c’est l’habilité et l’honnêteté de celui qui joue qui constituent leur valeur intrinsèque.
       D’autre part, le mariage est plus sérieux que ne l’imaginent bien des gens. Les obligations que des milliers de personnes négligent si légèrement chaque année ne sont pas seulement des conventions sociales dénuées de signification; elles trouvent leur véritable force de cohésion dans la nature de l’humanité qui est un grand corps dont chacun est une cellule vivante. (…)
       Sachant que notre partenaire vient à nous par l’entremise d’anciens attractifs; sachant que ce n’est par le hasard mais l’intention précise de notre Surmoi qui nous a guidé vers telle ou telle situation, même la moins réjouissante; sachant qu’au sein du désaccord se trouve une occasion de progresser par l’altruisme, nous considérons le divorce presque comme une privation. Inversement, si nous reconnaissons qu’aucune institution ne doit maintenir qui que ce soit de force dans des liens malsains, source de conflits et contraires à la nature; que les perles d’un amour altruiste ne doivent pas être jetées aux pourceaux de l’égoïsme non régénéré, nous verrons dans le divorce une procédure tout aussi convenable, saine et morale que la dénonciation de n’importe quel contrat légal.
       Nous voici revenus à l’équilibre, à la modération, à la règle d’or du juste milieu. Il est des vertus qui doivent recherchées non seulement par des individus dans leur quête de perfection spirituelle, mais également par la société dans son effort pour trouver les formes qui permettent aux individus de s’exprimer.


Parents et enfants

Pendant des siècles, la famille a été plus ou moins une souveraineté à la tête de laquelle se trouvait le père – ou la mère dans certaines civilisations. De telles souverainetés continuent à exister; en fait, elles sont dominantes. D’un point de vue matérialiste, les enfants peuvent réellement être considérés comme la propriété de leurs parents : mis au monde par les peines et les sacrifices de la mère; entretenus par le labeur et le sacrifice du père. Matériellement, les père et mère sont plus robustes, plus mûrs et plus puissants que les enfants – ils ont donc le droit de régner.
       Mais dans la réalité spirituelle, il n’y a pas de supériorité absolue des parents. Toutes les créatures vivantes sont les membres égaux d’une vaste communauté spirituelle. Sur le plan spirituel, les parents ne possèdent pas leurs enfants; ils ne sont même pas leurs créateurs. Ils se bornent à susciter leur venue. Un mystérieux processus à l’œuvre dans leur corps leur permet de s’unir un instant à un compagnon et de mettre en œuvre un processus non moins mystérieux qui se traduit par la préparation et la naissance d’un corps.
       Ce corps devient l’habitat d’un autre être spirituel comme nous.
       Momentanément, il est désarmé et ne peut parler; la responsabilité que nous sentons et les soins que nous assumons pour cette petite créature sont des expériences valables. Elles conduisent au sacrifice et à l’amour; à la tendresse et à l’attachement le plus profond. Et les choses sont ce qu’elles doivent être tant qu’elles ne mènent pas à la possession et à la domination sous l’une de leurs nombreuses formes.
       Les parents ne doivent avoir envers leurs enfants ni un sentiment de supériorité dominatrice, ni un sentiment d’infériorité envieuse; et cette attitude de calme détachement, la seule qui convienne aux parents envers les créatures dont ils ont la charge, n’est possible que par leur connaissance de cette vérité spirituelle centrale que tous les êtres, tous les esprits ont été créés égaux. Les parents sont les « canaux » par lesquels la vie coule, et à travers lesquels les âmes ont l’occasion de se réincarner. (…)
       De nombreux principes sont à l’œuvre dans l’attirance d’enfants à parents. Mais comme les fils d’une bonne troupe de marionnettes, ces principes sont en grande partie dissimulés à nos yeux; (…)
       S’il est vrai que les semblables s’attirent, il semble également vrai que, pour diverses raison karmiques, d’anciens rivaux et des tempéraments opposés sont souvent poussés l’un vers l’autre. (…)
       Les entités qui reviennent sur terre ont une certaine liberté de choix en ce qui concerne leurs parents; en général, le choix des parents paraît être une prérogative de l’âme. On ne comprend pas facilement pourquoi une entité à naître choisit délibérément pour milieu un taudis, des parents dégénérés, une mauvaise constitution physique out toute autre circonstance défavorable. Superficiellement, un choix de ce genre paraît psychologiquement indéfendable; mais, par une analyse plus profonde, on voit qu’il y a pas de véritable contradiction psychologique. (…) La décision réfléchie d’accepter une situation peu plaisante n’est pas un acte qui ne se puisse concevoir humainement; il arrive souvent qu’on choisisse de supporter quelque désagrément quand on l’envisage comme un moyen pour une fin.
       Il est assez curieux que cette liberté de choix semble avoir une influence sur la mortalité infantile. En général, si l’on en croit les lectures, l’âme peut avoir, à la naissance, la vision de la situation terrestre dans laquelle elle se trouvera impliquée en choisissant ses parents; mais la présence du libre arbitre fait que tous les événements futurs ne peuvent connus d’avance. En conséquence, l’âme, après avoir fait choix de ses parents et être venue au monde, peut s’apercevoir que lesdits parents ne répondent pas à ce qu’elle en attendait avant sa naissance. Se rendant compte alors que le but par elle antérieurement poursuivi en se réincarnant pourrait ne pas être atteint, les circonstances s’avérant différentes, l’âme se retire.
       Des retraits de cette sorte sont des phénomènes courants. S’il en est ainsi, les morts de bébés peuvent se comparer – à tout le moins dans certains cas – au départ discret d’un spectateur à la fin d’un premier acte décevant. (…) Parfois, la mort d’un tout petit bébé peut s’interpréter comme une expérience douloureuse dont les parents ont besoin; l’enfant n’est apparu qu’un instant dans un esprit de sacrifice, pour les aider à faire l’expérience d’une atroce souffrance dont il faut apprendre à guérir pour que l’âme grandisse.
       [Commentaire : Pas de contraception; et certaines familles, encore aujourd’hui un peu partout dans le monde, sont des fabriques à enfants pour la main-d’œuvre potentielle…] 

Complications familiales d’ordre karmique

Beaucoup d’individus sont torturés par d’inexplicables animosités qui naissent entre eux et leurs frères et sœurs. (…) On sait bien qu’il y a dans toute famille d’excellentes raisons d’antagonisme basées uniquement sur les frictions contemporaines. La chimie du tempérament est ainsi faite que les éléments d’incompatibilité qui pourraient n’être que des causes d’indifférence ou d’antipathie superficielle au cours de rencontres occasionnelles, deviennent, dans le creuset de l’intimité familiale, parfaitement intolérables et même explosifs.
       Ceux qui critiquent les vues réincarnationnistes pourraient, d’une part, souligner ce fait, et, invoquant d’autre part la loi d’économie (l’explication la plus simple est la meilleure), dire qu’il n’y a aucune nécessité d’émettre l’hypothèse de la réincarnation pour expliquer les haines familiales, lorsque les faits s’expliquent suffisamment par eux-mêmes. La plupart des réincarnationnistes se diraient pleinement d’accord avec cette objection, n’était qu’ils sont perdu toute foi en la loi d’économie telle qu’elle est couramment interprétée. Cette loi a eu une fonction nécessaire en mettant un frein salutaire aux spéculations de l’homme sur l’univers; mais la vision de cet univers, élargie par les nouvelles découvertes de la science – sans parler des horizons théoriques du principe de réincarnation – jette sur la supposition que l’explication la plus simple doit être la bonne, l’aveuglante lumière d’un projecteur, et montre que cette loi pourrait n’être autre chose que la révélation de la simplicité d’esprit de l’homme – plutôt qu’une référence exacte à la simplicité des opérations cosmiques. Ce qui est maintenant conçu comme « simple » pourrait, à la lumière de faits nouveaux, apparaître simplement comme fragmentaire.
       Si on admet que le caractère général de la réincarnation est raisonnable, les détails sujets à discussion sont tout naturellement remis en bonne place. Encore que des raisons contemporaines puissent, de toute évidence, être trouvées à toute hostilité entre êtres humains, il est, en même temps, concevable que la base de cette hostilité puisse avoir été jetée il y a bien des siècles.
       Bien entendu, il faut se rappeler que le fait de découvrir dans une vie passée la cause d’un antagonisme, n’amène pas ipso facto sa disparition. Si ceux qui subissent le même joug, vie après vie, il leur faut faire une tentative consciente, délibérée et patiente pour substituer l’amour à la haine et la bienveillance à l’hostilité.  
       Cet avis vaut non seulement pour les animosités qui se produisent au sein d’une même famille; il vaut pour tous les antagonismes et pour tous les liens qui nous relient à des individus de quelque manière que ce soit. En dernière analyse, les transpositions constantes de rôles dont nous avons l’expérience en ce qui concerne la famille devraient bien nous montrer que, dans l’ultime réalité, nous ne sommes membres d’aucune famille en particulier. Nous sommes plutôt membres de la grande famille que constitue la race humaine; il nous faudrait apprendre à vivre constamment avec la conscience de cette vérité.

Gina Cerminara (1914-1984)
De nombreuses demeures… (Adyar, 1984, réédition)
Many Mansions... (William Sloane Associates, 1950

22 décembre 2013

À redécouvrir – 2

Plusieurs dimensions où voyager tandis que le corps sommeille
(Photographe non identifié)

Une nouvelle dimension en psychologie

On apprend beaucoup de choses en essayant de résoudre des énigmes. La solution de bien problèmes amusants repose sur un principe important de la logique ou de la pensée. Il se peut donc qu’en nous trouvant devant la plus importante des énigmes – l’énigme de l’identité de l’homme, de son origine, de sa fin dernière – nous puissions lui appliquer la science acquise par un simple truc : on donne à une personne six allumettes et on lui demande de former quatre triangles équilatéraux. Elle commence en toute confiance ses dispositions triangulaires… pour s’arrêter bientôt. Le problème ne peut être résolu que si la personne en question a l’idée de manipuler ses allumettes sur trois dimensions au lieu de deux, et de dresser une pyramide plutôt que de s’épuiser vainement à combiner des triangles plats.
       En un certain sens, l’énigme de l’homme est comparable à ce jeu. Ce n’est qu’en ajoutant une dimension – ici, le temps – que l’homme paraît pouvoir arriver à se comprendre lui-même.
       La naissance et la mort du corps sont communément regardées comme la fin et le commencement de l’homme. Mais s’il était possible de démontrer scientifiquement qu’il n’est pas seulement un corps, mais aussi une âme habitant un corps; et, en outre, que cette âme existait avant la naissance et continuera d’exister après la mort, une telle découverte transformerait la science de la psychologie. Ce serait comme si une tige de sonde avait été envoyée de la surface du sol jusqu’aux couches profondes de la terre; la psychologie moderne «des profondeurs» paraîtrait alors aussi superficielle qu’un trou de 5 centimètres creusé pour y planter un oignon comparé à un tuyau de sondage de 3,200 mètres pour l’extraction du pétrole.
       …Les psychologues font des études statistiques et cliniques serrées des qualités qui constituent la personnalité. Ces études sont de véritables monuments d’ingéniosité (…) et, pourtant, elles n’éclairent  de l’homme que ce qui semble être le devant de la scène.
       Si l’on adopte le principe de la réincarnation, c’est un îlot de lumière qui inonde tout le fond, passé inaperçu, de cette scène. Le décor est illuminé exercice par lui-même une splendide et étrange fascination; mais son importance essentielle vient de ce qu’on y distingue les voies tortueuses et lentes par lesquelles les traits de caractère, les attitudes, les qualités actuelles de la personne se sont formés. Ou bien, pour changer de comparaison, on dirait que la réincarnation révèle les huit-neuvièmes immergés d’un iceberg dont les psychologues n’auraient péniblement scruté que le neuvième visible. Les dossiers Cayce fournissent de nombreux exemples de cette dimension «temps» ajoutée et de la manière dont elle explique la personnalité actuelle.
(…)
       Les psychiatres s’accordent pour penser que les attitudes principales de la vie psychique viennent de l’inconscient. Le principe de réincarnation ne fait qu’étendre le domaine de l’inconscient pour y inclure les charges énergétiques de l’expériences des vies passées. Comme dans le cas des maladies physiques, on ajoute une plus grande portée de temps pour y trouver l’origine du mal.
       Au même titre que les attitudes, les inclinations, les antipathies et les intérêts des gens entrent pour beaucoup dans la composition de la personnalité. Les instincts fondamentaux de conservation, de reproduction et de domination sont intimement mêlés à tous les intérêts plus superficiels de notre vie. Toutefois, au-dessus et au-delà des besoins essentiels communs à toute l’humanité, il existe une large diversité dans la manière dont ces poussées primordiales s’expriment sous forme d’intérêts et d’enthousiasmes chez différentes personnes. .
       Dans une famille de cinq enfants, par exemple, l’un d’eux peut s’intéresser ardemment aux papillons, au autre à la musique, un troisième à la mécanique, le quatrième à la peinture et le cinquième à faire des sottises. L’explication courante en psychologie pour cette variété de talents et de manières de voir est que le caractère de chaque individu est déterminé en premier lieu par son hérédité manifestée dans ses gènes, et, en second lieu, par des facteurs psychanalytiques dépendant de la place qu’il occupe dans la constellation familiale et des expériences qu’il y vit.
       Cette explication paraît naturelle en tous points; mais, pour celui qui inclut la réincarnation dans sa quête, ne fût-ce que par hypothèse, elle est inadéquate. Les «lectures» de Cayce attribuent résolument les talents et les intérêts à l’hérédité de l’âme elle-même, plutôt qu’à celle des grands-parents. Dans notre famille de cinq, telle que nous l’avons supposée, il faut, selon les vues de Cayce, que des vies antérieures, des circonstances aient existé qui sont à la base des inclinations actuelles.
       …Toux ceux qui sont familiers avec la psychologie des variations intra- et inter- individuelles et les problèmes qu’elle traite ne pourront manquer de reconnaître qu’un tel matériel, s’il est authentique, apporte à la psychologie différentielle une nouvelle profondeur et une nouvelle étendue.
       Le point crucial est le suivant : la psychologie moderne considère que les variations entre les êtres humains sont déterminées d’abord par les gènes des parents, ensuite par l’influence du milieu. Du point de vue réincarnationniste, cependant, l’hérédité et l’influence du milieu sont elles-mêmes les résultats des déterminants karmiques dus aux vies antérieures, et toute qualité de l’âme est conquise individuellement plutôt que transmise par les parents.
       La théorie de l’hérédité contient quelque chose de fallacieux qu’on ne voit pas généralement. Du point de vue héréditaire, il est présumé que des phénomènes d’ordre mental peuvent être engendrés par des phénomènes d’ordre biologique. Nous souvenant de la hardiesse ingénue et encourageante d’Einstein («Comment avez-vous découvert la relativité?» – «En mettant en question un axiome!»), peut-être cela vaut-il la peine de mettre en question la supposition fondamentale sur laquelle se base la théorie de l’hérédité. Il est certain que notre connaissance des relations entre le corps et l’esprit est encore au berceau; il semble, cependant, plus croyable – et psychologiquement solide – de penser que les phénomènes de l’ordre mental sont, en grande partie, causés par des phénomènes antérieurs, eux-mêmes d’ordre mental. «Tout ce que vous faites est le résultat de ce que vous avez pensé», a dit Bouddha. Dans le bouddhisme, d’une psychologie rigoureuse, la réincarnation est, bien entendu, un enseignement fondamental; Bouddha enseignait que les qualités d’un être humain sont le résultat de ses manières de penser et d’agir au cours de ses vies antérieures.
       Ralph Waldo Emerson – qui étudiait ardemment la pensée orientale et lisait la Bhagavad-Gita – comprenait parfaitement cette conception. Cela résulte implicitement de beaucoup de ses écrits, mais devient particulièrement explicite dans son essai sur l’expérience. Cet essai commence ainsi :
«Où nous trouvons-nous? Dans une série dont nous ne connaissons pas les extrêmes, et nous croyons qu’elle n’en n’a pas. Nous nous réveillons et nous nous trouvons sur un escalier; il y a des degrés au-dessous de nous et il nous semble les avoir gravis; il y en a au-dessus de nous, et beaucoup, qui sont ascendants et hors de notre vue. Mais le Génie qui, d’après les anciennes croyances, se tient à la porte par laquelle nous entrons et nous donne à boire l’eau du Léthé pour que nous ne puissions rien raconter, a fait un mélange trop fort et nous sommes hors d’état de secouer notre léthargie alors qu’il est midi.» 
       L’emploi par Emerson du mot «série» est une allusion à la nature évolutive de toute vie; sa métaphore des degrés est une illustration particulièrement pittoresque de ce que les facultés humaines semblent progresser avec le nombre de vies. L’augmentation des traits de personnalité et des talents semble suivre dans les documents de Cayce une sorte de continuité qui est de la nature des marches d’un escalier.
[Ici, un diagramme illustre la progression d’une entité «spécialisée» en musique et qui au bout de sa quarantième incarnation atteint le niveau «génie».] (…) Au moment de sa naissance, Pierre, donc, est un génie. Des diagrammes semblables pourraient être tracés pour n’importe quelle faculté humaine, et ainsi la base d’une science des différences individuelles est trouvée; la raison pour laquelle les dons humains naturels diffèrent apparaît clairement.
       Malheureusement, beaucoup de personnes qui acceptent l’idée de karma ont tendance à n’y penser que sous l’aspect de la punition et de la souffrance. Mais il faut se rappeler qu’en réalité karma signifie littéralement action qui est un mot neutre. Toute chose dans l’univers a sa polarité ou ses aspects positif et négatif; le karma ne fait pas exception à la règle. De toute évidence, une action peut être bonne ou mauvaise, égoïste ou altruiste. Si la conduite est bonne, rien ne l’empêche d’être continuée; cela procède de la croissance naturelle et peut, ainsi qu’il a été suggéré, être appelé le Principe de Continuité du karma. Si toutefois, la conduite est, de façon flagrante, mauvaise ou impure, elle doit être redressée; ceci se fait selon la loi d’action et de réaction. La pénible force équilibrante du karma nous ramène à la voie étroite du perfectionnement de soi.
        Semblable au Nautilus dans sa coquille compartimentée, nous construisons pour nous-mêmes, à mesure des vies qui passent, des demeures plus magnifiques pour notre âme. Et, à la fin, nous sommes libérés.

Gina Cerminara (1914-1984)
De nombreuses demeures… (Adyar, 1984, réédition)
Many Mansions... (William Sloane Associates, 1950)

À suivre...

21 décembre 2013

À redécouvrir – 1


Crédit photo : Fleeted Happenings (transcendance de la mémoire dans le temps et l'espace). Andrew Lyman est un artiste qui vit, travaille et étudie près de Savannah, en Géorgie. Il crée et apprend de ses expériences quotidiennes et de son immense groupe d’amis inspirants. Le travail de Lyman s’inspire de la vie : son interaction avec les gens autour de lui et son environnement.
http://www.andrewlymanart.com/fleeted-happenings

Une magnifique possibilité

Les hommes naissent, souffrent et meurent : c’est en ces quelques mots qu’un sage résumait toute l’histoire de l’humanité, lit-on dans un conte d’Anatole France.
(…)
Il n’est pas donné à chacun de nous, comme au Bouddha, de pouvoir renoncer à l’amour [humain], au pouvoir, à la richesse, au confort et à la chaleur des liens familiaux pour la poursuite de quelque chose d’aussi intangible que la signification du monde. Et pourtant, chacun de nous peut et doit, à un moment donné, se trouver confronté avec un problème identique : pourquoi les êtres humains souffrent-ils? Et que peuvent-ils faire pour se libérer de la douleur?
       Les écrivains utopistes nous font voir une époque où deux des afflictions dont Bouddha fut si fortement frappé auront disparu : la maladie et la vieillesse. Mais – quelques brillantes que puissent être les applications de la science moderne – on ne nous fait pas encore entrevoir la possibilité de libérer l’homme de ce qu’il considère comme son pire ennemi : la mort. Entre temps, et tant qu’une organisation plus rationnelle du monde et de ses ressources n’aura pas apporté à tous sécurité, santé, paix, beauté et jeunesse – si tant est que cela se produise jamais – il nous faut affronter les mille insécurités, les mille dangers, les dix mille menaces faites à notre bonheur et à notre paix intérieure. Le feu et l’inondation, les épidémies et les tremblements de terre, la maladie et les catastrophes, la guerre et le danger d’annihilation – voilà quelques-unes des menaces extérieures. Et quant au monde intérieur, au monde psychique des hommes, il est habité par une foule de faiblesses et d’imperfections – l’égoïsme, la sottise, l’envie, la malveillance et la cupidité – sources de douleur pour chacun de nous et pour notre entourage.
       Dans nos moments d’exaltation, quand la sublimité de la musique ou de l’aurore nous transportent, nous sentons bien qu’au cœur de l’univers la joie doit exister, et une intention profonde. Cependant, revenant aux dures réalités de la vie, avec ses cruautés et ses frustrations accablantes, nous ne pouvons nous empêcher de poser les ultimes questions, pour peu que nous ayons quelque intelligence des choses, quelque comparaison, quelque étonnement philosophique : au nom de la raison, quel est le sens, quel est le but de la vie, au-delà et au-dessus du but évident et purement matériel de survivre? (…) Pourquoi dois-je souffrir? Quels sont les rapports entre moi et les autres humains et le vaste entrecroisement de forces, et peut-être entre nous et une force suprême qui nous dépasse et nous entoure?
       Ces questions fondamentales, l’humanité les a posées de tous temps. Si elles demeurent sans réponse, tous les expédients temporaires pour soulager la douleur – qu’ils soient de nature physique ou psychique – n’ont en définitive, aucun sens. Tien n’a été expliqué, tant que n’a pas été expliquée la possibilité même de la douleur. S’il n’y a pas d’explication à la souffrance (…) rien n’est résolu, et notre prise philosophique sur la vie reste incomplète.
       (…) C’est par milliers que des croyances et des explications ont vu le jour, les unes rudimentaires, les autres plus subtiles; d’autres raisonnables. (…)
       Certains basent leur croyance sur Mahomet, les autres sur Bouddha, Moïse, ou Jésus ou Krishna. Et il y a des gens par milliers qui croient que la seule explication est de survivre. D’autres ont renoncé à toute curiosité et jouissent du plaisir de l’instant.
       (…) L’univers est un grand mécanisme. L’homme, un petit mécanisme qu’ont rendu possible une disposition fortuite d’atomes et un processus d’évolution naturelle.
       Dans sa lutte pour la vie, l’homme ne peut échapper à la souffrance. À cette souffrance, il ne faut pas chercher d’autre signification que celle-là; elle n’a pas de but. La mort, c’est la dissolution d’éléments chimiques, en dehors desquels il ne reste rien.
       Ainsi, à L’autorité du Grand Homme, du Grand Livre, ou du Grand Maître, on a substitué l’autorité de nos cinq sens. Bien sûr, avec ses microscopes, ses télescopes, ses rayons X et ses radars, la science a augmenté la portée de nos sens, de même qu’elle a organisé systématiquement les observations sensorielles su moyen du raisonnement, des mathématiques et de la technique expérimentale.
       Mais ce qui forme la base de l’affirmation scientifique et du raisonnement, c’est le témoignage de nos cinq sens. Les fondations de l’édifice scientifique sont l’œil, l’oreille, le nez, la langue et le toucher humains.
       Cependant, au cours des dernières décades, nous sommes devenus encore plus compliqués et encore plus sceptiques au sujet de ce que nous savons ou croyons savoir. Les instruments que nous avons créés grâce à ces excellents, ces admirables sens, nous ont montré par une sorte d’ironie à quel point notre équipement sensoriel lui-même est imparfait et incapable de nous faire connaître l’univers dans sa réalité.
       Les ondes hertziennes, la radioactivité, l’énergie atomique, pour ne citer que quelques-uns des phénomènes de notre temps, démontrent sans l’ombre d’un doute que nous sommes entourés d’ondes invisibles et de pulsations énergétiques, et que les plus infimes particules de matière sont le siège de forces dont notre imagination ne peut saisir la grandeur.
       Revenus à plus d’humilité, nous savons à présent que nos yeux et nos oreilles, au moyen desquels nous sommes en contact avec le monde, sont comme des ouvertures minuscules pratiquées dans l’étroite cellule qu’est notre corps. Notre sensibilité vibratoire à la lumière nous rend capables de recevoir seulement une faible fraction des vibrations lumineuses existantes. Notre sensibilité vibratoire au son ne nous rapporte qu’une brève octave, pour ainsi dire, du vaste clavier de sens de l’univers. Un sifflet, acheté pour quelques francs au bazar, rappellera notre chien, mais nous ne l’entendrons pas, parce que sa fréquence vibratoire est au-delà de la limite extrême de notre ouïe. Quantité d’autres animaux, beaucoup d’oiseaux et d’insectes, ont, quant à la portée, des sens de la vue , de l’ouïe, de l’odorat différents des nôtres; en conséquence, leur univers contient beaucoup de choses que nous ne percevons pas et ne pouvons percevoir.
       Un être qui réfléchit s’étonne de ce curieux spectacle : l’homme, l’homme si fier, dépassé par les animaux, des oiseaux et des insectes, et par les instruments mêmes que son ingéniosité a su créer, quand il s’agit de la perception de la réalité; et il commence à s’interroger sur la possibilité de voir par lui-même quelque chose de la vaste  invisibilité… Supposons par exemple qu’il soit possible de dresser notre équipement sensoriel ou de l’améliorer de telle sorte que notre sensibilité à la lumière ou au son soit, ne fût-ce que légèrement, accrue : n’aurions-nous pas alors conscience de beaucoup d’objets que nous ignorions antérieurement? Ou supposons que quelques personnes autour de nous soient nées avec une portée sensorielle quelque peu plus grande : ne serait-il pas naturel pour ces personnes de voir et d’entendre ce que nous ne voyons et n’entendons pas? Ne leur serait-il pas possible d’entendre à distance comme si elles étaient dotées intérieurement d’un appareil récepteur de radio, ou de voir à distance, comme si elles portaient un écran de télévision?
(…)
Jusqu’à présent, les laboratoires ont seulement démontré que la clairvoyance est un mode de perception possible. On n’a même pas encore effleuré le potentiel d’utilisation pratique, alors qu’il s’agit de quelque chose de considérable. Il est clair que si l’homme possède un moyen d’information qui ne dépend ni de ses yeux ni de ses oreilles; s’il lui est possible, dans certaines conditions, de « voir » ce qui se passe ailleurs dans l’espace sans se servir de ses yeux de chair et comme s’il était muni intérieurement d’un appareil de télévision, il est clair, dis-je, qu’il dispose alors d’un instrument nouveau et important pour acquérir des connaissances sur lui-même et sur son univers.
       Au cours des siècles, l’homme a fait de grandes choses. Sa force et son habileté lui ont permis de faire la conquête de l’espace et de soumettre la matière à sa volonté. Mais il demeure fragile et vulnérable en dépit de cette force et de cette ingéniosité; en dépit de ses conquêtes extérieures, il reste toujours impuissant et désorienté; en dépit des succès qu’il a remportés en matière d’art, de culture, de civilisation, il continue à se demander la signification et le but de la souffrance que lui et les siens endurent de la naissance à la mort. Il a pénétré au cœur de l’atome. Peut-être est-il à présent, grâce aux facultés de perception extra-sensorielle, sur le point de pénétrer au plus secret de lui-même. Peut-être lui sera-t-il donné, après tant de siècles de tâtonnements, de trouver des réponses scientifiquement satisfaisantes aux grandes énigmes fondamentales de son existence, les raisons de sa venue au monde et le pourquoi de ses douleurs.

Gina Cerminara (1914-1984)
De nombreuses demeures… (Adyar, 1984, réédition)
Many Mansions... (William Sloane Associates, 1950)

D’autres sélections à venir.

COMMENTAIRE

Gina Cerminara était Docteur en psychologie. Son livre constitue une brillante analyse de la réincarnation et du karma (basée sur les diagnostics d’Edgar Cayce obtenus par clairvoyance). Pas du tout nouvel-âge-gobe-tout; on a droit à de l’objectivité et à du questionnement de sa part.

On a quand même progressé depuis cette période, mais peut-être pas dans la bonne direction.

La clairvoyance (ou perception extrasensorielle) ça ne vous fait pas penser aux lunettes Google? Comme nous refusons de développer/redémarrer notre propre système de clairvoyance, qui en passant est gratuit, Google nous en vendra un… Hé, pas fou!

14 décembre 2013

Prouver ou réfuter la réincarnation

Nous avons emprunté toutes sortes d'identités et vécu plein d'expériences traumatisantes. Ça fait partie de l'exercice!

Par Drerhys
23 mars 2013 

L'étude de l'âme humaine (ontologie, métaphysique) se situerait entre la biologie et la psychologie sur l'organigramme de Tegmark. Les hypothèses et théories seraient constituées à partir de l'observation, non par l’expérience contrôlée. Pour que cela soit vraiment scientifique, les hypothèses et théories devraient acquérir une qualité prédictive. Les tests incluraient de nouvelles observations. Si les nouvelles observations étaient constantes et confirmaient la théorie sous-jacente, elles tiendraient la route. Si les nouvelles observations étaient contraires aux prédictions des hypothèses ou théories, elles seraient fausses.

De mémoire, j'ai noté les «cohérences» suivantes :

La plupart des cas rapportés viennent de gens qui ont vécu une mort traumatique lors de leur dernière vie

L’individu moyen peut se souvenir d’une ou deux vies antérieures (généralement assez spectaculaires) déjà ancrées dans l'enfance. Peut-être sous la forme d'un rêve récurrent, d’une fascination pour une certaine période de l'histoire, de pensées qui émergent de nulle part quand le mental est au «neutre»... Ils en parlent rarement, car ils trouvent cela obscur, mystérieux et en quelque sorte privé, mais pourtant ils se sentent soit troublés ou hantés par cette «chose»... Un grand nombre de «débutants» viennent sur ce site avec des histoires très dramatiques, ils pensent être devenus fous, pour finalement se rendre compte par que c'est une expérience répandue. C'est juste que les gens de nos cultures modernes ignorent ce dont il s'agit, alors, ils n'en parlent pas, et conséquemment, ils ne comprennent pas ce qui leur arrive.

Je crois que c’est parce que ces histoires sont souvent reliées à la mort ou au drame, et que ce sont les choses les plus faciles à se rappeler des vies antérieures, exactement comme les événements de la vie actuelle, en «surbrillance» parce que ce sont des moments cruciaux. Si vous revisitez votre vie actuelle vous ne vous rappelez que des moments significatifs – votre premier baiser, votre mariage, vos premières funérailles, un moment qui a tout a changé... Vous ignorez les événements désagréables. En général, il est aussi plus facile de se rappeler d’un événement plus récent.

Il en va de même pour les souvenirs de vies antérieures. Il est plus facile de se rappeler d’une vie récente (sauf si elle a été particulièrement terne, bien sûr). Voilà pourquoi beaucoup de gens ne se souviennent que de leur dernière mort, surtout si elle a été dramatique.

La plupart des souvenirs (et de loin) sont racontés pas des enfants de 2 à 7 ans

Dans l'ensemble, les enfants en bas âge se rappellent de leurs vies antérieures très facilement et avec beaucoup d’acuité. Vers l’âge de 2 ans, ils commencent à parler de ce qu’ils pensent, ressentent et vivent. Parfois, ils parlent de leur plus récente vie antérieure (ou de la période entre les deux vies), dont ils se souviennent encore à ce stade de leur vie. Dans certaines cultures bouddhistes, hindoues, chez les Inuits et les autochtones, c’est considéré comme normal. En effet, bien souvent on se réjouit de retrouver une grand-mère bien-aimée, réincarnée chez le nouveau-né. Ce sont uniquement les «nouvelles» religions qui considèrent ce genre de chose avec suspicion et l’ignorent.

Ainsi, les parents de la culture occidentale moderne (s’ils ne tombent pas sur ce forum) necomprennent pas ce que l'enfant essaie de leur dire, ou peuvent le punir pour avoir menti, ou lui dire qu'il s'agit de son imagination, l’empêcher d’en parler, ou détruire sa capacité d’exercer cette faculté. Généralement vers l’âge de 7 ans les enfants auront tout oublié et cessé d’en parler. Ils vont à l'école et sont immergés dans la vie présente; voilà ce qui se passe dans notre culture occidentale. Mais il en va autrement dans les cultures qui voient la réincarnation comme une évidence de la vie. En plusieurs traditions anciennes (chinoise, japonaise, sibérienne et australienne) on communiquait avec les ancêtres pour chercher conseil. Personnellement, je pense que se rappeler ses vies antérieures dépend encore une fois de l’influence du milieu social, car à mon avis, il s’agit simplement d'une aptitude naturelle qui devrait être valorisée plutôt que réprimée chez les jeunes. Une grande sagesse ancienne est disponible, mais on la gaspille en ce moment.

Dans la plupart des cas, les souvenirs de vies antérieures ne persistent pas jusqu’à la vie adulte, il faut les récupérer par l’hypnose

Néanmoins, dans notre culture, un petit pourcentage de gens – peut-être 5 %, c’est difficile à dire – pour une raison ou une autre, se souviennent des visions de leur enfance. J’en suis. Je me souviens de certaines choses. J'ai également une très bonne mémoire 'normale', ce qui semble être un trait commun chez les gens qui exceptionnellement se souviennent. Ils se souviennent des numéros de téléphone facilement et n'ont pas oublié de nombreux détails de la vie présente depuis leur naissance, et même avant, en certains cas. Dans l'ensemble, ils sont intelligents, ont des dons musicaux ou apprennent facilement les langues. Je vois cela comme une aptitude naturelle qui n’a rien de «magique» ou de surnaturel. Personnellement, je ne prétends pas posséder de pouvoirs spéciaux ni quoi que ce soit d’autre. Je ne sais pas pourquoi je me rappelle ces choses. Je m’en rappelle, c’est tout. Je pense que certaines personnes ont simplement plus de mémoire que d'autres pour une quelconque raison qu’on ignore. Voilà tout. C'est un peu comme voir en couleurs quand tout le monde voit en noir et blanc. C’est difficile à expliquer, mais clair et évident pour soi.

Tous les cas étudiés incluent des exemples de gens qui connaissent des noms de personnes et de lieux sans rapport avec la vie actuelle

Dans la plupart des cas les gens rapportent des souvenirs/rêves différents de leurs rêves ordinaires, en nature et en intensité. Ces rêves sont souvent violents et, selon les expérienceurs, ils leur font revivre un traumatisme passé.

L’aspect souvent dramatique/traumatique de nombreux souvenirs/rêves «mettrait en évidence» des événements d'une vie particulière (comme la bande annonce d’un film par exemple). Je n'ai pas ce genre de souvenirs/rêves, bien que j'aie des rêves très animés et vivides. Pour ma part, ça m’apparaît plutôt comme des vies simultanées (parallèles) enfouies dans mon esprit plutôt que comme des souvenirs. J'ai tendance à retrouver ces choses à l’état de veille. Parfois, je vais utiliser l'autohypnose/méditation pour avoir plus de détails à propos d'un épisode, mais en fait il suffit de s’assoir tranquillement et de laisser flotter comme on le fait pour les souvenirs de la vie présente, comme ce mot sur le ‘bout de la langue' ou à la surface de votre mémoire, dans une boîte de rangement (si seulement vous pouviez vous souvenir où vous l’avez mise). Dans mon cas, c’est souvent quelque chose de ‘terrible’ qui se passe dans un costume d’époque.

https://www.facebook.com/reincarnationstoriespage?filter=3

http://www.reincarnationstories.org/content/proving-or-disproving-reincarnation#sthash.BbzqEw1w.dpuf

[Traduction/adaptation maison]