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27 janvier 2014

Session de régression


Étude de cas 
Par Barry Laine (Transform-therapies

Introduction

Il existe deux principales croyances concernant les vies antérieures. Selon certaines personnes nous existions dans un autre corps humain ou une autre forme de vie avant d’hériter de notre corps humain actuel. Pour d'autres, cela est absurde et ne vaut pas la peine qu’on s’y attarde. La vérité est que nous ne savons pas comment nous avons hérité de notre corps humain.

Charles Darwin pensait avoir trouvé la réponse aux îles Galápagos et il a élaboré sa théorie de l'évolution. Les Églises catholique et protestante, pendant des siècles, nous ont fait croire que nous existons via Adam et Ève, et une entreprise de milliards de dollars fut construite autour de cette croyance religieuse. Les missionnaires blancs ont quitté le confort de leurs foyers européens et ont erré en territoires inconnus en Afrique et en d’autres sous-continents dans le seul but de «convertir les païens» et, durant le processus, certains furent plongés dans l'eau bouillante et mangés, et d’autres survécurent et implantèrent les racines de leur croyance dans des contrées éloignées.

Les théories religieuses au sujet de notre origine ne peuvent pas répondre aux questions fondamentales quand elles sont remises en question, sauf par un «les voies de Dieu sont impénétrables». Les théories scientifiques sont révisées à chaque fois qu'une université veut obtenir une nouvelle subvention ou quand on justifier une recherche spatiale de plusieurs milliards de dollars pour sonder une planète lointaine.

La dernière théorie scientifique qui suggère que nous avons évolué du poisson à l’amphibien, du quadrupède au bipède en passant par le singe ne présente pas de preuves tangibles. Chaque théorie est incomplète à cause de questions restées sans réponses et d’inexactitudes.

La vérité est que nous ne savons pas. Les limites actuelles de notre imagination et de nos connaissances ne nous permettent pas de déterminer avec précision comment nous en sommes venus à hériter de l’actuelle forme humaine. Il est donc important de garder l'esprit ouvert quand on aborde les existences passées.

Régression pendant l’hypnothérapie
Sous hypnose, le corps se détend, l'esprit conscient se retire et le subconscient prend le contrôle du processus mental. En pareil état, l'esprit peut se concentrer parce que toutes les perturbations et distractions extérieures sont supprimées. La personne peut retourner dans sa vie présente et regarder des événements qui remontent aussi loin que sa mémoire peut se rappeler. Il y a des gens qui peuvent aller jusqu'à l'époque où ils étaient dans l’utérus et se souviennent avoir entendu des sons dont ils se rappellent très clairement, et qu’ils peuvent maintenant identifier. 
        Maintenant, pourquoi certains ne pourraient-ils pas aller au-delà de l'utérus, dans un autre monde où ils vivaient avant d’hériter de leur forme de vie actuelle. Qui peut dire que c’est impossible? Si vous pensez que c'est impossible, alors demandez-vous comment vous savez que c'est impossible? Êtes-vous un expert en théorie des probabilités, et quel est votre point de référence par rapport à cette connaissance? Vous pouvez dire que c’est tout aussi absurde de croire que nous descendons d'Adam et Ève ou d'un poisson. Nous ne le savons simplement pas, et peut-être que nous allons tous nous détruire avant de connaître nos origines.

Étude de cas
Caroline, comme beaucoup d'autres que j'ai aidés, est venue me voir avec des pensées qui la hantaient et qui perturbaient sa vie actuelle de plusieurs manières. Elle souffrait d’insomnie et avait de la difficulté à faire son travail correctement à cause des nombreuses images du passé qui émergeaient constamment. Elle voulait y remédier. Nous avons convenu de garder l'esprit ouvert, et pour ma part, je devais noter sur papier tout ce qu'elle dirait ainsi que ses réactions pendant les sessions. Nous avons commencé par régresser dans la vie actuelle, et cette dame a pu se rappeler d’événements jusqu’à l’âge d’un an, notamment lorsque sa mère l’avait installée sur le canapé d’où elle voyait son frère Robert jouer par terre. Elle voyait aussi son frère en train de la nourrir.

Première vie antérieure – forme de vie intelligente
Quand je lui a demandé d'aller au-delà de son enfance, son corps s’est légèrement recroquevillé tandis qu’elle tirait la jetée pour couvrir son corps. Je lui ai demandé ce qu'elle voyait. Elle a répondu qu’elle voyait des lumières, de la blancheur, des flammes venant du soleil, et qu’elle était une forme de vie intelligente. Elle voyait aussi des personnes âgées sous formes lumineuses, il y en avait des millions, et elles constituaient le créateur, des fragments de l'ensemble, une lumière fusionnant à une autre, faisant partie de la lumière éternelle. Elle disait que ce monde était en train de prendre fin, puis, elle a enlevé la jetée qui enveloppait son corps; elle était désormais détendue.

Deuxième vie antérieure – matérialisation
Lorsque je l’ai questionnée elle a dit qu'elle pouvait sentir des amis autour d'elle, qu’elle volait, mais qu’elle n'était pas un ange. Elle avait une forme matérielle non spirituelle, elle pouvait voir les gens en train de naître, de sortir du ventre de leur mère, des nouveau-nés, surtout des garçons, beaucoup de tours blanches et des pierres. Quand je lui ai demandé ce que c'était, elle a répondu qu'elle allait être guérisseur, enseigner la guérison. Je lui ai demandé plus d’information. Elle a dit qu’on lui demandait de retourner, qu’elle devait retourner. Elle ne voulait rien dire de plus. Puis, son corps s’est placé en position fœtale.

Troisième vie antérieure – guerrier amérindien
Quand je lui ai demandé d’aller plus loin en régression, il y a eu une pause et une catharsis. Son corps est devenu rigide, son visage sérieux, et elle tournait la tête lentement d'un côté à l'autre comme si elle cherchait quelqu'un. Ses paupières étaient fermées mais je voyais ses yeux bouger derrière les paupières closes. Quand je lui ai demandé ce qu'elle faisait, elle a dit qu'elle était à la recherche de ses «braves». Quand je lui ai demandé «qui êtes-vous?» elle a répondu «un guerrier indien» et «un protecteur de mon peuple».
       Je lui ai demandé si elle était un Chef d’une tribu de Peaux-Rouges et elle a répondu : «Je serai chef quand j’aurai épousé ma fiancée, mais elle n'a pas encore dit oui au mariage; le guerrier (the Warrior) doit prouver sa bravoure pour que le vieux chef laisse sa place, ensuite je pourrai me marier et devenir chef. Poursuivant mon questionnement, elle [il] déclara que sa future épouse était très belle, qu’il était à la chasse avec ses braves et qu’aucun n’était aussi courageux que lui; qu’il devrait par conséquent obtenir la main de sa fiancée.
       Ensuite, son corps a commencé à trembler et elle m’a dit «Nous sommes entourés par l'ennemi et ils sont en train de tuer mes braves, je dois protéger mon peuple», et les larmes on commencé à jaillir. Elle dit «Je dois maintenant aller dans le désert pour sauver mon peuple», ses jambes se mirent à trembler et ce fut le silence. Quand je lui ai demandé ce qui se passait elle a dit qu'elle était en train de mourir dans le désert, n'ayant pas réussi à sauver son peuple. Elle sanglotait et gémissait si fort que j’ai failli arrêter la session. Mais elle a récupéré et elle reposait calmement; elle était juste un peu pâle.

Quatrième vie antérieure – dans un camp
Je lui ai ensuite demandé de se détendre et de prendre quelques respirations profondes. Puis je lui ai demandé s'il y avait une autre vie avant celle-là, et elle a répondu oui. Je lui ai demandé de me décrire ce qu'elle voyait. Elle se mit à trembler de nouveau. Son corps s’est pelotonné et quand je lui ai demandé ce qui se passait, elle dit a être dans un camp avec beaucoup de gens apeurés, en train de mourir, et qui portaient des vêtements médiévaux.
       Elle disait ne pas avoir peur parce qu'elle était la femme du patron; elle était autorisée à porter un sac de toile comme vêtement, mais elle n’avait pas le droit d’aller voir à l’extérieur. Elle avait eu un bébé avec le patron. Elle en avait eu un autre avant d’arriver au camp. Son mari avait fui les soldats et l’avait abandonnée avec le bébé. Ils avaient tué son père. Il ne lui restait que sa mère et sa jeune soeur; elles fabriquaient des récipients en métal. Je lui ai demandé si elle avait réussi à s'échapper, et elle a répondu qu'elle était morte dans le camp. Ensuite, son corps s’est apaisé, et elle est demeurée très calme.
       J'ai touché son cou pour vérifier son pouls qui était remarquablement bas, et sa peau était moite et froide. Je l’ai laissée se reposer pendant un moment, sans poser de questions.

Quatrième vie antérieure – un bébé
Après quelques minutes, je lui ai demandé s'il y avait une autre vie avant celle-là, et elle a fait signe que oui. Je lui ai demandé de s’y projeter à son propre rythme, sans se précipiter. Cette fois-ci, elle est restée calme et après un certain temps elle a dit «Je suis un bébé». Quand je lui ai demandé où elle était, elle a répondu «Quelque part dans le nord de l'Europe». On l’avait laissée sous un sapin, et il faisait très froid. Personne ne s'occupait d’elle, sauf sa mère qui venait jeter un coup d’œil de temps en temps, et parfois, sa sœur Ria. Elle disait que Ria l’aimait et venait jouer avec elle.
       Elle disait être morte à cause du froid intense et quand je lui ai demandé s'il y avait d’autres vies antérieures, elle a répondu non. Je l’ai fait sortir d’hypnose  et elle est revenue à la réalité présente.

Conclusion
Une seconde session a eu lieu pour enterrer les vies passées et une troisième pour compléter l’auto-guérison. Elle dit que maintenant, elle n'est plus troublée par des visions du passé; elle a l’impression qu’un nouveau CD a remplacé l'ancien qui a été détruit, éliminé. Elle se dit plus heureuse. Le traitement fut un succès. Je suis certain que si vous aviez vu cette dame sous hypnose vous auriez conclu qu'il est préférable de garder l'esprit ouvert par rapport aux vies antérieures.

Source : http://www.transform-therapies.com/mind-body-spirit.htm

14 janvier 2014

La Vie est un Job

La Vie est un Job (Vita est Laborum) 
Comédien : Don Novello
Personnage : Père Guido Sarducci

Pas pris une ride ce clip, malgré son âge avancé... En plus, j’ai trouvé une transcription. 

Le personnage
Père Guido Sarducci est un personnage fictif qui fut créé par le célèbre acteur et scénariste Don Novello au début des années 70. On le voyait notamment à Saturday Night Live. Il s’agit d’un prêtre, fumeur compulsif, qui travaille aux États-Unis en tant que chroniqueur mondain et critique de musique rock pour L’Osservatore Romano; on l’a revu aussi dans les années 80. Puis en 2005 Don Novello reprend le personnage alors devenu directeur adjoint au Vatican Enquirer, entre autres pour discuter du Code Da Vinci.

Site : http://www.fathersarducci.com/

Malheureusement la vidéo a été retirée de You Tube ; l'auteur a peut-être reçu des menaces de mort... Je laisse quand même la transcription.

Transcription

De retour de Rome -- le chroniqueur de rock et de potins pour L'Osservatore Romano, le journal du Vatican et mon conseiller spirituel : Père Guido Sarducci!

[Zoom de caméra sur Père Guido Sarducci sur des béquilles]

Père Guido Sarducci :

Merci! Merci! Hé, c’est merveilleux d'être de retour en Amérique. Je vous le dis, c’est pas vraiment merveilleux d'être en béquilles! Tu sais? Mais... c’est comme ça que ça marche. Je suis entré dans ce - un gros accident de moto -- à Rome. J'ai juste dépassé quelques camions, vous voyez? Et j’essayais de rajuster ma médaille Saint-Christophe... et de nulle part, vous voyez, comme quand on se frappe les mains, j'ai été frappé par une religieuse en Vespa. C’est vrai, je vous le dis. J'ai été à l'hôpital, vous voyez, et ça a été une chose après l'autre, vous voyez? Mais Dieu merci -- je me sens mieux maintenant, et tout va assez bien maintenant.

Alors que j'étais occupé à l'hôpital, j'ai traduit quelques bouts d’une nouvelle encyclique... qui le pape a sorti il y a quelques mois. Et je vous le dis, ça va secouer beaucoup de gens. Le pape, je vous le dis, a vraiment des tripes! [Sarducci prend une puff de cigarette] Vous savez... la plupart du temps, nous n’aimons pas  - dire de nouvelles choses aux gens, vous savez, parce qu'ils ne peuvent pas changer, vous savez? Comme, nous savions depuis des années que Jésus avait un frère cadet. Il avait un frère plus jeune. Billy était son nom. Billy Christ. En fait, c’était son demi-frère. Un demi-frère, vous voyez? Et nous en avons eu la preuve. Nous avons une preuve. Parce que nous avons beaucoup de peintures, vous savez? Et - ça montre Jésus marchant sur l'eau, et près de lui, vous pouvez voir comme une feuille sur l'eau. Vous pensez que c’est une feuille, mais si vous regardez de près... vous pouvez voir comme le haut d'un snorkel. C'était - Billy son frère, vous voyez? Et, vous savez, il marchait sur lui. Sur ses épaules, et vous aviez le snorkel… Je veux dire, euh…et je ne veux pas me moquer de Jésus, vous savez… il a été euh… le plus grand homme qui ait jamais vécu. Mais, je veux dire... qu’il ne pouvait pas marcher sur l'eau, vous voyez ? Allez! Réveillez-vous! [Il prend une puff de cigarette]

En tout cas – le Pape - écrit une encyclique. Elle s'appelle «Vita est Laborum» ce qui signifie : «La Vie est un Job». Et voilà ce que nous avons découvert – la vie est dure, vous pensez que c’est difficile parfois? C’est… parce que c’est un job! Nous sommes tous - payés 14,50 $ par jour. Ça semble pas beaucoup. Je veux dire, 14,50 $ par jour… mais, vous savez, après 60-70-80 ans... on ne lève pas le nez dessus. Et - que vous arrive-t-il quand vous mourez?... vous savez, l'âme quitte le corps, comme le 7-Up qui pétille. Vous voyez? Ça vous tire vers le haut et – vous entrez dans un long tunnel -- mais vous n’avez pas peur. Et puis, quand vous arrivez au bout, vous voyez toute votre vie défiler devant vous. Vous savez? Depuis que vous étiez petit bébé... jusqu’au jour de votre mort. Et puis... on vous paye. Dieu et ses aides. Vous savez, ils apportent – tout cet argent et puis... Dieu révise tous vos péchés. Et vous recevez une amende. Vous savez, c’est comme, euh... comme peut-être voler une auto 400 $. Un meurtre euh... peut-être, c’est le pire – comme 50 000 $. Et la masturbation... hein, peut-être, vous savez, comme vingt-cinq, trente-cinq cents. Vous voyez. C’est un péché à peu de frais. Vous voyez, mais - pour beaucoup de gens, vous voyez, ça peut monter. Euh c’est juste pour montrer, vous savez, qu’il n’y a pas de lunch gratuit.

En tout cas vous avez tous ces péchés, vous voyez ? Et si vous n’avez pas assez d'argent pour payer pour vos péchés, vous ne pouvez – euh… aller au ciel. Mais, si vous n’avez pas assez d'argent, vous devez revenir, n’est-ce pas? Et, comme euh… naître à nouveau et, revenir un travailler, vous voyez? Et - euh, vous le savez – c’est vraiment dur. Mais... [il tire une bouffée de cigarette] certains gars, euh… comme des mafieux, vous savez, pourraient avoir à passer quatre ou cinq vies comme religieuses... juste pour égaliser les comptes, vous voyez? La plupart des nonnes sont des anciens mafieux. Je ne sais pas si vous saviez ça. C’est la vérité.

En tout cas c’était plus que merveilleux de passer quelques moments ici avec vous.

Arrivederci, Amérique!

10 janvier 2014

À redécouvrir – conclusion

Rôdeur, le ballon gardien de la série Le Prisonnier, pourrait symboliser le karma qui nous ramène à diverses cases du jeu karmique des serpents et des échelles : tout revient à soi, on ne peut pas se fuir soi-même, etc. En réalité, le prisonnier No 6 teste son propre système de détention. Pour sortir de prison, il faut d’abord réaliser qu’on est prisonnier; ensuite on peut procéder à un revirement intérieur fondamental qui pourrait nous sortir du système réincarnationniste. «Life is a stage», disait Shakespeare; il nous appartient de modifier le synopsis puisque nous sommes le directeur et le metteur en scène de notre vie.

Divers aspects du karma

Une question est habituellement posée par ceux qui entendent parler du karma et de la réincarnation pour la première fois : «Et l’hérédité?» Presque toujours ce qu’on connaît de l’hérédité paraît en contradiction avec ce qu’on croit savoir du karma. Mais il n’y a, en fait pas de contradiction réelle. Nous héritons surtout de nous-mêmes, non de la famille! La famille n’est qu’un fleuve sur lequel l’âme flotte.
       Le fait est que les lois de l’hérédité sont subordonnées à celles du karma… (…) Le courant de l’hérédité physique existe, mais d’autres lois d’attraction magnétique sont à l’œuvre, et leur effet est tel qu’une âme gravite infailliblement vers le groupe familial et les conditions physiques qui correspondent le mieux à ses exigences intérieures.
       Ainsi l’hérédité, et avec elle d’autres formes de causalité physique immédiates, sont, en réalité, subordonnées à la contrainte magnétique des lois du karma. Ceux qui attribuent toutes les tendances humaines à l’hérédité et toutes les maladies à des causes physiques immédiates peuvent, de ce point de vue, être comparés aux invités d’un banquet qui remercieraient les domestiques pour ce qu’on leur sert. Bien entendu, ce sont bien les domestiques qui leur apportent les mets à table; mais ils le font sur l’ordre de celui qui les emploie.
       Une autre objection communément soulevée à propos du karma est d’ordre éthique. Dans le cas du violoniste aveugle dont nous avons parlé, l’origine karmique de sa cécité avait été attribuée au fait qu’il avait aveuglé d’autres humains au fer rouge lorsqu’il appartenait à une tribu barbare en Perse. Il est normal qu’on se pose la question suivante : comment peut-on tenir quelqu’un pour responsable des coutumes de son époque? (…) Peut-on tenir des exécuteurs personnellement responsables? Et, si la réponse est négative, comment le barbare persan qui aveuglait les prisonniers de guerre ennemis de sa tribu, peut-il être considéré responsable? (…)
       Ces questions sont justifiées. Disons que ce n’est pas l’acte qui détermine le karma, mais le mobile, pas la lettre, mais l’esprit. En outre, il est hautement probable qu’il existe quelque chose comme une culpabilité sociale. C’est-à-dire que si les habitudes d’une société constituent un mal au sens ultime, tous les membres de cette société participent jusqu’à un certain point à cette culpabilité. Si, dans un sens éthique essentiel, il est mal de réduire en esclavage, de tuer et de mutiler d’autres êtres humains – et, selon l’antique sagesse, cette atteinte à la libre volonté d’un autre est un mal absolu – alors tous ceux qui sont membres de ladite société sont des coupables, ils sont coupables passivement s’ils ne le sont pas activement. La culpabilité augmente progressivement dans la mesure où, ayant conscience de la signification morale de la coutume, ils n’en continuent pas moins à l’approuver en ne faisant aucune tentative pour abolir le mal. S’ils participent activement à la perpétuation du mal, leur culpabilité augmente proportionnellement.
       Aveugler d’autres personnes uniquement parce qu’il se trouve qu’elles sont vaincues dans une guerre de tribus, c’est certainement un acte de cruauté. Si l’homme chargé d’accomplir la besogne qui consiste à brûler les yeux était lui-même l’adversaire d’une telle cruauté, et n’accomplissait cette tâche que parce qu’elle lui était imposée par son chef de tribu, on pourrait concevoir qu’aucune peine karmique ne lui fût imposée. Mais s’il remplissait son office en y consentant dans son for intérieur – c’est-à-dire en recélant intérieurement une cruauté correspondant à celle de la coutume, il déclencherait une cause karmique. (…)
       Si l’homme frappé de cécité, dans le cas dont nous parlons, avait, en Perse ancienne, mis à exécution l’acte d’aveugler avec l’esprit de sacrifice qu’apportent les sages dans tous les actes qu’ils font, sans satisfaire son goût propre pour la cruauté et la domination, aucun karma n’aurait été créé. Il s’ensuit, puisque l’acte a effectivement entraîné une conséquence karmique, que nous devons en conclure à la culpabilité de l’auteur de l’acte, culpabilité qui réside dans le fait pour celui-ci de s’être mis au niveau de l’acte qu’il était contraint d’accomplir pour obéir à la coutume de sa société. 

       Selon les lectures, les difformités dues à la naissance ne sont pas d’origine karmique. Ce point mérite un examen approfondi parce qu’il est important pour une compréhension complète du concept karmique. Quelques-uns qui croient à la réincarnation supposent, que toutes les causes appartiennent au passé, c’est-à-dire qu’ils croient que le malheur et la maladie du présent sont le symbole extérieur de quelque acte commis dans une vie passée. C’est une croyance erronée. La cause peut se trouver ou bien dans un passé immédiat ou bien dans un passé éloigné; en outre, il y a différents niveaux de cause : physique, émotionnel, mental, éthique.
       Un élément additionnel à prendre en considération est le fait que des accidents sont parfaitement possibles. Il arrive qu’une infirmité due à la naissance ou une infirmité postérieure, soient purement accidentelles en ce sens qu’elles sont sans lien avec des causes que l’individu auraient créées lui-même. (…) 

       …En tout cas, il faut reconnaître qu’une difficulté qui survient dans la vie, qu’elle soit dans son origine karmique ou non karmique, représente toujours une occasion de croissance spirituelle. Le karma lui-même ne doit pas être interprété dans un sens fataliste; nous voulons dire qu’il ne doit pas être regardé comme une force aveugle et inexorable. Le karma n’opère pas avec la précision automatique d’une machine dont un bouton de contrôle a été poussé.
       Le karma est une loi précise; mais son but est de donner à l’âme une occasion de retrouver la vérité cosmique de l’être et de s’aligner sur elle. Si donc l’âme se rend compte de ses propres défauts et prend l’initiative de se ramener dans la ligne, quelque terrain qu’elle déplace dans son mouvement de retour, c’est autant de gagné sur les effets contraignants du karma.
       Le but du karma est d’ajuster l’âme en donnant au mot ajuster le sens de parangonner que lui donnent les imprimeurs lorsqu’ils parlent d’ajustement pour dire qu’un caractère s’aligne bien avec un caractère d’un autre corps. Si l’on se rend compte de la véritable intention du karma qui est éducative ou ajustante dans ce sens, on se rend compte également que ces sanctions ne sont ni arbitraires ni inexorables. En conséquence, on n’accepte pas passivement la sanction, sans faire des efforts positifs en direction de l’apprentissage que la leçon spirituelle, dans sa contrainte, impliquait.
       Les lois du mouvement sont très instructives à ce propos. Lorsqu’un corps a été mis en mouvement, il se meut selon une certaine ligne définie. Si une autre force vient agir sur le même corps avec une direction différente de sa ligne originale de mouvement, le corps commencera à se mouvoir sur une autre ligne – une ligne qui est la résultante des deux impulsions différentes. Aucune énergie n’est perdue; aucune loi n’a été violée. Une ligne de force a seulement été modifiée par l’application d’une autre ligne de force. Il en est de même avec le karma : sa direction peut être défléchie ou modifiée et sa force diminuée par la mise en mouvement d’une nouvelle ligne de force, cette nouvelle ligne étant dans ce cas la pensée juste et l’action juste. On voit ainsi qu’une attitude de laisser-faire en face du karma n’est absolument pas nécessaire et manque au contraire son but.
       Cela est assez évident en ce qui concerne la personne vis-à-vis d’elle-même; mais une nouvelle subtilité éthique apparaît quand on considère l’attitude à prendre en présence de la situation karmique des autres. La constatation de l’existence du karma pose inévitablement un certain dilemme social. Le mauvais usage du pouvoir dans des incarnations passées conduit à des conditions difficiles. Si nous sommes persuadés que la plupart des afflictions ont leur source dans une transgression morale quelconque, quelle doit être notre attitude vis-à-vis des affligés? Quelle doit être notre attitude vis-à-vis de la condition sociale des autres? (…)

[L’auteur cite le poème de Walt Whitman «Je reste à promener mes regards sur toutes les douleurs du monde» que vous pouvez lire à :
http://artdanstout.blogspot.ca/2014/01/regards-sur-la-souffrance-du-monde.html ]

        Sans nous préoccuper des actes fautifs commis par les autres dans leurs vies antérieures, nous devons nous efforcer de les aider – en sachant bien que les barrières invisibles de la loi karmique ne permettront pas qu’il soit empiété sur l’essentiel de leur sanction, et en sachant aussi que l’indifférence devant la souffrance d’autrui est en elle-même une faute que nous commettrions.
       Dans un certain sens, le monde extérieur et nos frères humains ne sont qu’un terrain d’entraînement sur lequel nous pouvons apprendre à pratiquer les vertus de l’esprit qui nous sont nécessaires. Nous sommes nous-mêmes un terrain d’entraînement sur lequel les autres peuvent apprendre. En nous souvenant du premier fait, nous échapperons au leurre grandiloquent d’avoir à tort porté secours à l’humanité; en nous souvenant du second, nous devrions être amenés, à propos de nous-mêmes, à la fois à la dignité et à l’humilité. Nos propres fautes sont aussi pénibles pour les autres que les leurs pour nous; mais nos fautes sont pour les autres un enseignement, comme les leurs pour nous.
       Un autre aspect de cette matière subtile est le fait que la volonté de l’homme est libre et que tout, jusqu’au moindre détail, n’est pas prédéterminé dans l’histoire au sens fataliste. Ainsi, l’effort que nous faisons pour aider une personne affligée – que son affliction soit physique, économique, sociale ou psychologique – n’est pas seulement une expérience dont nous avons personnellement besoin pour nous perfectionner dans la pratique de la vertu d’amour; c’est une expérience qui peut réussir à modifier la vision mentale de l’autre, sa conscience et, par là, le cours de sa vie.
       En dernière analyse, il est nécessaire de comprendre profondément que tout karma est créé par le mental. Une erreur de comportement vient d’une erreur de conscience; un changement intégral de conduite ne peut dériver que d’un changement intégral de conscience. Le mental est le constructeur, et, à moins d’un changement de mentalité et de notion conceptuelle de l’énergie créatrice et de ses rapports avec elle, il est impossible de compenser le karma négatif. (…)
       La théorie de la courbure de l’espace – quoi qu’on en pense actuellement dans les milieux scientifiques – est en harmonie parfaite avec l’idée karmique, à la façon que voici : si l’univers peut être considéré comme circulaire par nature, et, par conséquent, prédisposant tous les mouvements cosmiques à être eux-mêmes circulaires, il s’ensuivrait que la loi du karma, comme nous l’appelons, ne serait autre chose que le résultat final du mouvement circulaire de chaque acte. Un acte, quel qu’il soit, constitue une utilisation de l’énergie. Le fait du karma peut donc être possible parce que l’énergie dirigée par la conscience contre un objet extérieur traverse directement cet objet, comme un rayon X perçant un solide, mais continue sa course circulaire autour de l’univers jusqu’à ce que, finalement, cette énergie revienne à celui qui l’a mise en mouvement, n’ayant rien perdu de sa force, malgré ses nombreux voyages.
       Ainsi, un acte bienveillant d’un homme envers un chat affecte objectivement le chat; mais l’énergie de cet acte continue son voyage circulaire vers l’extérieur jusqu’à ce que, finalement, elle revienne vers l’homme sous la forme d’acte bienveillant. Il en est de même d’un acte de cruauté contre un autre être vivant : cet acte a son effet objectif mais continue en cercle sa propre impulsion de vie jusqu’à ce que, finalement, il revienne sous la forme d’un acte de cruauté à celui qui en est l’initiateur.
       Bien que cette thèse ne soit qu’une fantaisie spéculative, l’idée a un certain pouvoir de suggestion comme pourra le découvrir chacun de ceux qui essaieront de l’appliquer pendant quelques jours. Si nous imagions que chacun des actes que nous accomplissons par rapport à d’autres personnes, commence un voyage circulaire qui se terminera en nous affectant exactement nous-mêmes, nous verrons que quelques-unes de nos impulsions seront purifiées et quelques-uns de nos actes ennoblis avec une surprenante instantanéité.
       Le concept karmique est important parce qu’il fournit une raison scientifique aux exhortations à la bonté que nous trouvons dans les diverses religions du monde. Paul Brunton n’exagère probablement pas lorsqu’il dit que la sécurité et la survivance de la civilisation occidentale dépendent du rétablissement de l’idée de karma dans la pensée des masses; car la connaissance du karma, bien comprise, donne à celui qui la possède, une approche qui est religieuse sans être superstitieuse, scientifique sans être grossièrement matérialiste. Le concept karmique donne à la fois à l’homme le courage de supporter et le courage d’oser. Il peut accepter les conséquences de ses propres actes passés avec une résignation dynamique plutôt que statique, sachant qu’à tout moment il a le pouvoir de lancer de nouveaux trains d’actions et de créer une destinée nouvelle et plus abondante.  
       …Le karma représente les frontières dans lesquelles les desseins et les créations de l’homme par lui-même doivent se tenir. Le karma est ce qui limite et discipline; mais il est en même temps le libérateur et l’ami. (…)

La réponse à tous les problèmes est au-dedans de soi

La phrase «la réponse est au-dedans» doit être entendue en des sens divers. Premièrement, il faut chercher la raison de toute difficulté au-dedans de soi, car d’après la loi de karma, tout ce qui arrive a été créé par nous et nous l’avons mérité. Les conditions extérieures ne font que refléter, à la façon d’un miroir, quelque chose qui se trouve au plus profond de nous-mêmes. Dans tout ce qui nous arrive, c’est nous-mêmes que nous rencontrons, et il s’ensuit qu’une auto-analyse aigüe nous donnerait la clef de tous les événements de notre vie.
       Deuxièmement, l’inconscient conserve le souvenir de tout ce qui nous est arrivé depuis le commencement de notre individualisation. Ainsi, nous avons en nous un réservoir de connaissance auquel nous pouvons puiser en immobilisant les sens extérieurs et en dirigeant notre attention vers l’intérieur, dans le processus de la méditation.
       Troisièmement, au plus profond de nous gît, emprisonnée, la splendeur, la divine essence par laquelle nous ne faisons qu’un avec l’énergie créatrice de l’Univers. La solution de tout problème est donc de nous tourner vers le dedans, vers cette énergie rayonnante émanant de notre soi divin. (…)
       À celui qui peut l’admettre, la réincarnation offre une raison de vivre, une étoile polaire pour le guider et la certitude qu’il n’est pas perdu dans un chaos de forces sans signification sur lesquelles il n’a pas de contrôle final.

Gina Cerminara (1914-1984)
De nombreuses demeures… (Adyar, 1984, réédition)
Many Mansions... (William Sloane Associates, 1950)

08 janvier 2014

À redécouvrir – 5

Illustration : Padma, Les vies antérieures; Tarot Zen 

Les dynamiques de la personnalité

Comme l’argument d’une histoire bien écrite, la vie est intéressante à raison de ses conflits. L’homme primitif avait surtout à lutter contre les autres hommes ou contre les forces de la nature. Mais, à mesure qu’il évoluait, l’homme voyait ses difficultés émaner de plus en plus des sources intérieures. Le conflit intérieur a été décrit, à différentes époques, comme l’opposition entre le bien et le mal, entre l’esprit et la matière, entre la raison et la passion, entre la conscience et l’impulsion ou entre le conscient et l’inconscient.
       Toutes ces descriptions contiennent une part de vérité, mais elles n’expliquent pas la friction intérieure avec la pleine signification que lui donne la manière de voir réincarnationniste. Selon le principe de réincarnation, la source première du combat est l’erreur que fait l’esprit en s’identifiant au niveau de densité spirituelle appelé «matière», à travers lequel il est contraint de s’exprimer pour évoluer. Cette fausse identification mène à un comportement séparatif et égo-ïste; et ce comportement mène, à son tour, à la mise en mouvement des aspects rétributifs du karma. L’action karmique objective la mauvaise conduite de l’homme de telle manière qu’il en devient lui-même prisonnier; et c’est pourquoi cette prison est la source première et le fondement de l’angoisse mentale de l’homme. Sa lutte contre des barreaux invisibles de la cellule de prison dans laquelle il s’est lui-même enfermé, constitue la forme primaire du conflit intérieur.
       Mais il existe une autre source de conflit. Il faut se rappeler que le karma a deux aspects, l’aspect rétributif et la continuité. En raison de ce dernier aspect, bien des éléments incongrus ou des tendances venues du passé peuvent se faire jour en même temps, créant une nouvelle source de conflit intérieur.
      …Une tendance est une forte impulsion ou un désir montant de quelque expérience de vie passée. (…) Des impulsions contradictoires donnent lieu à une lutte consciente quand il s’agit du choix d’une profession. La lutte peut se résoudre en une combinaison de deux tendances ou l’abandon de l’une en faveur de quelque chose d’autre (…).  
       Une lutte encore plus difficile que celle qui est provoquée par des impulsions contradictoires, naît lorsqu’une tendance n’a pas été suffisamment neutralisée. Par exemple, un homme peut avoir une tendance à l’arrogance, tendance d’une vie passée, au cours de laquelle il disposait d’un pouvoir arbitraire sur un peuple opprimé. Dans une vie suivante, il a été un enfant infirme, vivant dans un taudis; son arrogance a subi un arrêt karmique et l’attitude contraire de tolérance et de sympathie a été induite jusqu’à un certain point. Mais l’arrogance n’a été effacée ou neutralisée que d’une façon incomplète. En conséquence, deux impulsions contradictoires habitent maintenant le conscient à propos du même trait de caractère. C’est pourquoi la personnalité présente une inconsistance apparente qui s’exprime par des attitudes alternées d’arrogance et de tolérance. L’individu lui-même se rend graduellement compte de son inconsistance; si des idées sur la fraternité s’emparent de lui, il commencera plus consciemment la lutte pour empêcher le réveil de l’ancienne arrogance. Mais la conscience de leur propre inconséquence manque à beaucoup de gens.
       On trouve dans la personnalité de cet homme deux contradictions de base. La première est une tendance à être par moment introverti, renfermé, silencieux, froid, asocial, studieux, hors du monde; et à d’autres moments, extraverti, expansif, jovial et sensuel. (…)
       Être lucide devant une inconsistance, choisir délibérément celle des deux personnalités qui semble la plus souhaitable, et faire effort pour vaincre ce qu’il y a d’antithétique entre les deux, semble être la meilleure manière de s’attaquer à un conflit profond. (…)
       La psychanalyse réincarnationniste diffère de la psychanalyse ordinaire en ce qu’elle suppose que toutes les expériences de la vie sont conformes à un plan, fait avant la naissance par le Surmoi ou Éternelle Identité. Si la personnalité est capable d’apprendre sans révolte la leçon qui lui est enseignée par les circonstances de sa vie, la névrose n’est pas indispensable; l’effondrement ne se produit qu’afin que, dans une banqueroute extrême, l’obstination de la personnalité se dissolve, et afin que la conduite se conforme au plan de vie du Surmoi.
       Le but inconscient de la vie, tel que le conçoit la psychologie, est habituellement égoïste et matérialiste, choisi par la personnalité séparative ou ego, pour sa propre sécurité imaginaire et sa conservation, alors que le but superconscient de la vie est non matériel, parce qu’il vise à donner à l’âme des leçons spirituelles et des qualités. Si la personnalité prend conscience du but intérieur en vue duquel elle s’est incarnée, et si le but conscient de la vie coïncide avec le but superconscient, les progrès peuvent être beaucoup plus rapides car, dans ce cas, il n’est pas opposé de résistance intérieure aux expériences didactiques de la vie.
       L’existence dans l’inconscient de tendances profondes et souvent contradictoires qu’il nous faut apprendre à compenser, est un concept de toute première importance dans la psychologie réincarnationniste. Ce concept a plusieurs importantes implications, et peut éclairer certains domaines de la psychologie actuelle. D’abord, il offre une solution possible au problème de la personnalité double et multiple.
       La double personnalité est bien connue du grand public par la large diffusion qu’a eu le récit romantique de Stevenson, Dr. Jekyll et M. Hyde. Ce qui est moins connu, c’est le fait que les cas de personnalités non seulement doubles, mais triples et multiples sons fréquents dans les annales de psychologie anormale, et que, de plus, beaucoup des altérations de la personnalité qui se produisent sont aussi dramatiquement contrastées que la différence entre Dr. Jekyll et M. Hyde. (…)
       …Cependant, en présence de tous les éléments, on peut faire état d’une de ces deux possibilités quant à l’altération de la personnalité : ou bien la possession successive par deux ou plusieurs entités désincarnées; ou bien une résurgence anormale du souvenir d’une précédente personnalité de l’individu. (…) La deuxième hypothèse – c’est-à-dire la résurgence de souvenirs d’autres vies – est suggérée comme une extension du phénomène de report des tendances d’une vie dans la suivante.
       La seconde implication importante du concept de report des tendances d’autres vies, vise ce qui est connu en psychologie sous le nom de «spécificité des traits». (…)
       Selon le principe de réincarnation, la spécificité des traits n’est pas due seulement aux satisfactions et aux désappointements qu’on a éprouvés pendant ses années de formation, mais encore aux expériences éducatives vécues au cours de beaucoup d’incarnations précédentes. (…) Il est possible qu’on ait appris sa leçon concernant les égards pour la vie humaine et pas celle qui concerne les égards dus à la vie des animaux.
       De telles inégalités de caractère sont communes à l’humanité entière et se comprennent mieux à la lumière de la psychologie réincarnationniste. Un jeune homme absolument sincère et bien intentionné peut être gravement préoccupé, par exemple, de paix mondiale et de justice sociale universelle. Il s’indigne si quelqu’un, dans le feu d’une discussion, lui dit qu’il a une nature foncièrement cruelle. Il repousse absolument cette accusation et a le plus grand mépris pour celui qui la profère; mais, quelques mois plus tard, un concours inhabituel de circonstances l’amène à se rendre compte qu’en fait, il existe dans sa nature une certaine cruauté qu’il ne soupçonnait pas et qui se révèle dans l’effort délibéré qu’il fait pour dominer les autres et leur retirer toutes croyances qui les consolent. Cette découverte soudaine de soi le remplit d’horreur; il ne peut comprendre la coexistence en lui de son idéalisme, de sa bienveillance pour les hommes en général, et de son hostilité envers les humains en particulier. Il commence à se demander s’il est vrai qu’il soit foncièrement cruel comme le prétend son adversaire, et si tous ses projets idéalistes n’auraient été que des hypocrisies par le moyen desquelles il se trompait lui-même.
       Ou bien, prenons le cas de cette femme riche qui s’était toujours considérée comme très généreuse. Elle découvre soudain, à l’étonnement de sa conscience blessée, qu’elle est généreuse en ce qui concerne les objets matériels, mais qu’elle manque totalement de générosité dans les jugements qu’elle porte sur la conduite des autres.
       Des découvertes de cette espèce sont fréquentes parmi les personnes qui ont de la maturité psychologique, et elles sont très troublantes. Elles ébranlent la confiance qu’on a en soi, font douter de sa propre intégrité et peuvent aller jusqu’à paralyser tout effort. Des souffrances de cette sorte résultant de l’introspection sont, sans aucun doute, des étapes utiles de notre croissance. Mais la connaissance tend à dissiper l’anxiété, cette connaissance que les inégalités de notre nature sont dues à des expériences variées dans le passé de notre âme. Si nous acceptons la découverte, nous pouvons arriver à regarder nos disparités intérieures sans passion, en nous rendant calmement compte qu’il est en notre pouvoir de les niveler, qu’en vérité, les expériences pénibles de la vie ne se produisent, précisément qu’en vue de ce nivellement. En définitive, toutes les qualités sont acquises en tenant compte de tous les domaines de l’âme. Mais nous ne pouvons pas nous attendre à ce que tout se fasse à la fois; ce n’est pas sans de bonnes raisons que l’année scolaire a neuf mois par an, qu’on travaille cinq jours par semaine, et ce n’est pas, sans de tout aussi bonne raisons qu’il nous faut plusieurs vies pour compenser ce qui ne l’a pas encore été en nous.
       …Quand on aura bien compris l’inégalité des tendances, leur rivalité mutuelle et leur incomplète neutralisation, la compréhension de soi comme celle des autres sera incommensurablement plus raffinée.
       La connaissance de l’existence en soi de tendances venues de vies passées compte une autre implication, notamment à ce qu’on pourrait appeler : l’illusion d’innocence. Pendant des siècles, nous avons été préoccupés du problème de l’innocence et du péché originel. Bien des philosophes ont traité de la vraie nature de l’enfant qui vient de naître – foncièrement bonne ou foncièrement dépravée. Platon considère que le mental de l’enfant nouveau-né est rempli de réminiscences d’existences précédentes; Locke le voit table rase, page blanche sur laquelle les sensations s’inscrivent en impressions dont les concepts deviennent des idées. Les théologiens considèrent les enfants comme portant la tare du «péché originel» d’Adam et Ève dont seuls les sacrements voulus peuvent rédimer.
       Du point de vue réincarnationniste, tous les hommes naissent certainement avec un héritage : les comportements de nos sois antérieurs. (…)
       [L’illusion d’innocence fait en sorte que] pour la plupart d’entre nous, nous sommes persuadés d’être beaucoup plus souvent l’offensé que l’offenseur, la personne maltraitée plutôt que celle qui maltraite. Nous nous croyons tous bons et innocents. Ceci peut être attribué partiellement à l’orgueil naturel de la créature; mais c’est beaucoup plus le fait du bain d’oubli dans lequel nous avons été plongés : notre mauvais passé nous est dissimulé par la bienveillance de la nature. (…)
       Celui qui a une vue perspicace du caractère humain aperçoit avec exactitude les fonds dangereux dont la personnalité inconsciente n’est pas consciente. En certaines personnes, on voit une haine latente; en d’autres, une avidité de domination; en d’autres encore, une froideur glacée. (…)
       Qu’une pénible expérience se présente et la personnalité peut être tentée de se plaindre : Je n’ai rien fait pour mériter cela. Mais l’innocence n’est qu’une illusion; sa logique n’est pas plus raisonnable que celle de ce Français qui, jugé pour avoir assassiné son père et sa mère, reconnaissait sa culpabilité mais demandait l’indulgence parce qu’il était orphelin. Dans le procès fait à la personnalité, celle-ci n’avoue pas, parce qu’elle n’a pas en toute sincérité conscience du mal fait; mais elle demande l’indulgence parce qu’elle est orpheline, alors que c’est son propre crime qui l’a mise dans cette situation. La personnalité s’est incontestablement rendue coupable de quelque mal ou de quelque faiblesse, sinon le malheur ne l’eut point frappée. Car personne ne rencontre le mal s’il n’y a pas quelque mal latent en lui qui l’attire par vibration.
       Les vicissitudes de la vie ont pour but éducatif de modifier le caractère, qu’il s’agisse de calamités extérieures comme la guerre, la peste ou l’inondation, ou qu’il s’agisse de tensions intérieures ou de conflits. Quand la psychologie reconnaîtra que toutes les vicissitudes ont un but sur la spirale de l’évolution, elle aura fait un grand bon en avant.
       De même, les professionnels de la religion, qu’ils soient prêtres, pasteurs, rabbins, brahmanes ou tout ce qu’on voudra, devraient avoir une compréhension profonde des organismes de la vie, intérieurs ou extérieurs, qui opèrent des modifications sur le caractère humain. Quand, dans leur désespoir les hommes leur demandent le sens des tragédies de leur vie, ils pourront les consoler et les encourager d’une manière vraiment scientifique, leur donner des explications qui ont la clarté et la précision d’une équation algébrique, la grandeur et l’élan exaltant d’un coucher de soleil en montagne.
 
Gina Cerminara (1914-1984)
De nombreuses demeures… (Adyar, 1984, réédition)
Many Mansions... (William Sloane Associates, 1950)


COMMENTAIRE

C'est un fait que nous pouvons nous trouver bien bons et bien sages dans notre vie actuelle, mais c'est simplement parce que nous avons en effet appris certaines choses. Mais les gens qui ignorent ce fait sont souvent portés à condamner ceux qui ne sont pas rendus à la même étape. Facile de tomber dans ce piège.
       Il est bien évident que l'idée n'est pas de cautionner les actes de cruauté et de malveillance humains, mais nous pouvons aussi comprendre que les individus qui s'y adonnent fonctionnent avec ce qu'ils sont dans cette vie-ci.
       Et être une vieille âme ne signifie pas avoir tout compris, tout appris. Ça pourrait être le contraire, car si nous sommes encore ici, c'est que nous n'avons peut-être rien compris... :-)

02 janvier 2014

À redécouvrir – 4

 «Je rêve toujours d’être millionnaire, comme mon maître!… Il rêve aussi.»

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L’habilité professionnelle a son origine dans les vies antérieures

L’immortalité, dans la vue commune de la théologie chrétienne, s’étend dans une seule direction – celle de l’avenir. À la lumière des nouvelles conceptions que fournit la physique à quatre dimensions et dans laquelle le temps est aboli, une vue comme celle-là semble quelque peu incomplète. Sans même parler de spéculation scientifique et en ne se plaçant qu’au seul point de vue de la foi religieuse, il semblerait que l’esprit dût être essentiellement hors du temps; qu’en conséquence, si l’âme ne connaît pas de mort, elle ne devrait pas davantage connaître de naissance. Si elle doit exister éternellement à l’avenir, il faut qu’elle ait également existé éternellement dans le passé. L’épisode biologique que nous délimitons au moyen des expressions «naissance», «vie» et «mort» doit donc n’être qu’une apparence, une projection, pour ainsi dire, de l’âme éternelle immatérielle.
       Cette manière de voir, bien que la théologie chrétienne moderne l’ait amplement rejetée, était admise par les premiers gnostiques. Nombre de poètes modernes ont exprimé cette idée, le plus souvent cité parmi eux étant probablement Wordsworth dans ses Intimations of Immortality («Indices d’immortalité»), Le sentiment exprimé par Wordsworth que notre naissance n’est qu’un sommeil et un oubli était parfaitement fondé à la lumière de la sagesse antique. Sa conviction que l’âme qui s’élève en nous a, quelque part ailleurs, son décor et vient de loin, a été citée valablement par des centaines de croyants en la préexistence («Nous arrivons en traînant des nuages de gloire.»). Un réincarnationniste souhaiterait qu’il eût parlé avec un peu moins de romantisme et un peu plus de réalisme psychologique. (…) Les faits psychologiques paraissent être plus prosaïquement – et aussi plus humblement et d’une façon plus stimulante – que nous n’arrivons pas en traînant tellement de nuages de gloire, mais plutôt une très lourde charge d’aptitudes et de lacunes accumulées, de défauts et de qualités, de faiblesses et de forces. (…)
       Le principe de continuité opère en ce qui concerne les aptitudes humaines et devient ainsi un facteur important dans la vie active de l’homme.

Une philosophie pour le choix d’une profession

Le désir de développer un nouveau talent ou une qualité semble un élément important du destin de l’âme. Ce désir acquiert graduellement une force accrue et prend des formes et une direction de plus en plus précises, jusqu’à ce qu’enfin, par le choix des parents et du milieu convenables, l’âme soit mise à même de perfectionner ce nouvel aspect de sa nature. Il apparaît clairement qu’une âme peut se familiariser en se retrouvant avec une personne douée de ce talent ou de cette qualité*.
       Il faudra peut-être plusieurs vies pour réaliser pleinement la transition d’une habilité à une autre, sous l’impulsion du désir. Si cette inférence est correcte, elle devrait être un précieux encouragement pour ceux qui se sentent médiocres dans leur profession. Il se peut que la médiocrité, comparée à l’excellence des autres, soit due au fait qu’ils n’en sont qu’à leur premier ou leur second essai dans un domaine nouveau.
       À côté du désir, le karma paraît être un facteur important dans la détermination de changer de profession. Il est évident que l’arrivée à maturité d’un karma d’infirmité physique interromprait, par exemple, le succès d’une carrière de danseur perfectionnée par plusieurs vies successives. En faisant obstacle à la libre expression d’une vocation, une affliction de cette sorte amènerait la nécessité d’un changement pour une vocation différente, et, peut-être le réveil d’un autre talent depuis longtemps enfoui. (…)
       Quel que soit le plan fondamental, ceci, à tout le moins, est clair : il existe, dans de nombreux cas, une interaction étroite entre problèmes professionnels et problèmes spirituels. Autrement dit, souvent, une difficulté professionnelle semble subordonnée à un défaut de caractère devant être corrigé. (…) Tolstoï notait que les conditions de la vie ressemblaient beaucoup aux échafaudages d’un immeuble. Les plates-formes de bois servent seulement de squelette externe au moyen duquel le travail de construction intérieure se fait. Mais le cadre extérieur n’a pas d’importance définitive en soi et n’est pas permanent. Dès que l’immeuble est terminé, on retire les échafaudages. Peut-être les professions peuvent-elles être vues sous ce jour – comme la matrice dans laquelle se forment certaines parties de la croissance spirituelle.
       D’autre part, il se peut que les vocations ne soient pas toujours au service du développement de quelque qualité morale. Peut-être sont-elles intrinsèquement nécessaires comme autant de domaines matériels que l’esprit doit conquérir. Peut-être, dans le cadre de chacune de ses activités, l’homme apprend-il à comprendre et à dominer la matière dans tel ou tel domaine de la manifestation; à comprendre les principes de la vie, et à travailler avec eux. (…)
       L’égarement en ce qui concerne le choix d’une profession est extrêmement répandu. Mais tout autant qu’un handicap physique, cette indécision peut avoir un but éducateur; elle peut être nécessaire à un examen plus approfondi du sens de la vie et du travail, et à une compréhension plus spirituelle du sens de l’identité par rapport aux autres entités. Tandis que certaines entités paraissent pénétrer dans le plan terrestre avec une vocation si nettement dessinée qu’elle se manifeste dans l’âge tendre, il est possible que d’autres se trouvent dans une phase de transition.
       Certaines facultés peuvent demeurer longtemps oubliées et inertes dans les coffres subconscients de la mémoire; mais la faculté une fois éveillée, se révèle capable de s’épanouir en véritable compétence professionnelle.
       Une façon de découvrir nos aptitudes inconnues et de les libérer, c’est de pratiquer des activités secondaires, un «violon d’Ingres».  Tout probablement, les intérêts ardents que nous manifestons ont leur source dans des activités pratiquées au cours d’autres vies. Si l’on cultive une inclination, on peut réveiller des souvenirs inconscients profonds et les aptitudes acquises dans cette vie passée. Il se peut que nous soyons amenés vers des personnes avec lesquelles nous avons eu des liens dans la même vie passée, source de notre nostalgie commune. C’est surtout par les êtres que le cours de notre vie change. La rencontre de ceux avec lesquels nous avons eu d’anciens liens karmiques peut révolutionner totalement notre vie en nous ouvrant des sphères d’activité qui nous fussent, autrement, demeurées closes.
       Le doute et la confusion en ce qui concerne le choix d’une profession peuvent être dus non seulement à une pauvreté de dons, mais aussi à une surabondance. Il semble bien que certaines personnes aient eu un si grand nombre d’incarnations, et si variées, et qu’elles aient acquis dans chacune d’elles par l’intensité de leur zèle de telles facultés, qu’elles soient écartelées entre les unes et les autres. Bien des jeunes très doués sont torturés par l’indécision et l’impossibilité de se donner un but malgré la richesse de leurs dons.
       Servez-vous de ce que vous avez sous la main; commencez au point où vous en êtes. Ce conseil peut paraître bien superflu tant il est évident; et pourtant, comme beaucoup d’autres vérités évidentes, il a besoin d’être formulé à nouveau en raison de la tendance qu’ont les humains à négliger des faits simples, tout proches, en faveur de ceux, plus distants et plus complexes, qui les intéressent davantage.
       Ils sont nombreux ceux qui, pris par la vision de services à rendre à l’humanité, baignent, soit dans une brume d’idéalisme  vague, soit dans une effervescence de zèle anxieux. Leur nouvelle perspective du but à atteindre peut les surprendre au beau milieu d’une vie dont ils n’ont pas la possibilité pratique de se dégager. Leurs responsabilités vis-à-vis de leur famille, ou des obstacles financiers qui les empêchent d’acquérir des connaissances spéciales, s’opposent à ce qu’ils remplissent cette mission vers laquelle ils viennent de se sentir attirés. Un voyage de plusieurs milliers de kilomètres commence par un pas; ce pas, il faut le faire à partir du point où l’on se trouve.
       Bien des personnes savent exactement ce à quoi elles voudraient arriver en art, en science, en politique. Mais en raison d’une myopie matérialiste erronée elles s’arrêtent en chemin et demeurent dans l’inaction; leur but semble impossible à atteindre. Dans l’ignorance où elles sont de la continuité de la vie et de l’effort, elles ne se rendent pas compte que le temps n’a pas d’importance, et que ce qu’elles ont commencé dans une vie porte ses fruits dans une autre. L’illusion de ne disposer que de peu de temps donne l’impression exacte qu’il est impossible de devenir, par exemple, un grand musicien au cours d’une seule vie; si toutefois, elles permettent à cette pensée de paralyser leur volonté à un point tel qu’elles cessent complètement de travailler la musique, elles se mettent au point mort et laissent, pour d’autres incarnations, tout le travail à faire. Mais en appliquant la sagesse à vue lointaine synthétisée dans le conseil d’utiliser ce qu’on a sous la main, de commencer où l’on se trouve, la paralysie est dissipée et les énergies libérées dans la bonne direction. (…)

[* Note perso : De toute évidence, les enfants de Jean Sébastien Bach se sont incarnés en espérant hériter de son oreille universelle et parfaire des aptitudes musicales.] 

Déduction auxquelles on arrive sur les aptitudes humaines

À notre niveau actuel de civilisation et de compréhension spirituelle, il arrive que l’envie soit un stimulant pour l’action, à défaut d’autres mobiles. Mais lorsque l’envie conduit à la méchanceté, à la haine, à la médisance, à la calomnie, à la rancune et à toutes les vilenies apparentées, elle est le mal. La multiplicité des talents est, de toutes choses, peut-être la plus enviée; l’homme ou la femme qui cherche à établir sa valeur en plusieurs domaines et arrive à atteindre une certaine notoriété dans chacun d’eux est, par progression géométrique, plus envié, et par plus de gens, que celui qui ne réussit qu’en une seule branche. C’est en raison de cette réunion même de talents qu’on veut être admiré et, jusqu’à un certain point, on y parvient. On obtient, à tout le moins, un hommage verbal; mais au tréfonds des cœurs habitent l’inimitié et la rancœur, parce que celui qui a des dons nombreux est accusé de dépouiller les autres (c’est ce qu’ils croient) de leur propre prétention à valoir quelque chose.
       Mais si tout le monde savait que toutes les aptitudes sont à la portée de chacun de nous, il serait normal de voir l’envie diminuer, tandis que la multiplicité des talents augmenterait parmi les hommes. L’ordre spirituel de l’univers, contrairement à certains systèmes économiques, ne demande pas que les possédants soient en petit nombre aux dépens de la masse qui ne possède pas. Toutes les ressources sont également accessibles à tous les hommes à la condition qu’ils en usent avec pureté et altruisme.
       En outre, la connaissance des faits de l’évolution dans le domaine professionnel devrait non seulement faire décroître le sentiment séparatif de l’envie, mais encore augmenter le sentiment unitif de l’admiration. Le fait que des êtres humains expriment des aspects de notre Soi que nous ne sommes pas aptes à exprimer dans notre propre incarnation, trop occupés que nous sommes à d’autres choses, mérite vraiment notre admiration.
       La frustration, comme l’envie, a une importante fonction psychologique. Si nécessité rend ingénieux, nous pouvons dire de même que frustration est mère de création. La frustration, comme la compression de la vapeur, sert à canaliser les énergies humaines dans des formes qu’elles auraient pu ne jamais adopter, tout simplement à cause de leur liberté de se disperser.
       Bref, comme toutes les autres réalités de l’univers manifesté, la frustration a sa polarité d’aspects bénéfiques et maléfiques. Lorsque la frustration contraint l’homme à élaborer de nouvelles qualités et à créer de nouvelles formes d’art, elle est bonne; lorsqu’elle fait perdre à l’homme son équilibre, de telle sorte que les forces de vie demeurent stagnantes en lui, la frustration est mauvaise. C’est cet aspect maléfique de la frustration que combat la croyance en la continuité des vocations d’une vie à l’autre.
       On raconte qu’un escargot, par un matin glacial de janvier, se mit à grimper le long du tronc gelé d’un cerisier. Comme il montait lentement, un scarabée sortit sa tête d’une fente de l’arbre et lui dit : «Mon vieux, tu perds ton temps. Pas l’ombre d’une cerise là-haut!» Mais le colimaçon poursuivit son petit bonhomme de chemin et dit : «Il y en aura quad j’arriverai.»
       Lorsqu’on est profondément convaincu de la continuité des vocations d’une vie à l’autre, on acquiert intérieurement quelque chose de la vision lointaine et de la confiance paisible patiente de cet escargot. 

       Pendant longtemps encore, l’homme devra nécessairement se sentir frustré par les conditions karmiques qu’il s’imposera lui-même, et par les conditions de l’existence manifestée. Mais la frustration ne doit ni nous diminuer, ni nous inhiber, ni nous accabler; nous pouvons apprendre à danser même enchaînés par elle et à chanter jusque dans ses prisons. Quand la frustration est inévitable, nous pouvons apprendre à l’accepter patiemment, d’une façon positive et même avec joie, et jeter ainsi les fondations de nos propres victoires futures au cours de civilisations qui sommeillent encore dans la matrice du temps.

Gina Cerminara (1914-1984) 
De nombreuses demeures… (Adyar, 1984, réédition)
Many Mansions... (William Sloane Associates, 1950