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19 juillet 2014

Suivre son «instinct»



Rien d’équivalent comme les attractions/répulsions pour étudier nos vies antérieures… Ça parle très fort.

(...) les gens on les aime tout de suite ou jamais.
~ Christian Bobin (La folle allure, p. 16, Éditions Gallimard 1995)

Ressentiments et pressentiments (vus par Constance de Théis, 1767–1845) 

Il y a des gens à qui on n'a aucune raison d'en vouloir, et qui pourtant font éprouver, quand on se sent près d'eux, un sentiment de gêne, de repoussement, qui cesse dès qu'on en est éloigné. On rend alors une entière justice à leurs qualités, à leur mérite; on se reproche sa froideur, et on se promet de la réparer : mais, dès qu'on les revoit, on est tout à coup comme frappé du même repoussement, et il devient impossible de s'abandonner au sentiment qu'on voulait leur témoigner.
       Il est hors de doute qu'il y a, dans ceux qui font naître en nous cette sensation, des défauts, des vices, des intentions qui nous sont contraires, dont nous ne nous rendons pas compte, parce qu'ils sont dissimulés avec art, ou parce que, n'ayant en nous rien qui y soit analogue, nous ne pouvons les bien saisir, mais dont nous sommes avertis par notre instinct, qui, sans que nous nous en apercevions, vient sans cesse au secours de notre faiblesse et de l'imperfection de notre jugement.

(Pensées - XCII, Première partie, Ed. Firmin Didot, Paris, 3e édition, 1836)

On n'a jamais réellement pensé à définir les pressentiments. Les esprits forts y attachent peu d'importance, et ils ont raison s'ils ne leur semblent qu'une sorte de prescience; mais en y réfléchissant, on voit qu'ils sont au contraire la suite d'une sensation toute positive, et que, considérés sous ce point de vue, ils méritent l'attention la plus sérieuse.

Lorsqu'un sentiment que nous ne pouvons expliquer nous fait craindre quelque malheur pour nous, ou pour les personnes qui nous sont chères, et lorsqu'en effet cette crainte n'est point sans fondement, une suite de petits incidents qui ne sont rien pour les indifférents, mais qui se rattachent à ce qui préoccupe nos esprits, nous cause, par cette raison, des émotions vagues et de pur instinct, qui n'ont pas assez de poids pour que nous les raisonnions, mais qui sont trop réelles pour ne pas nous faire une impression quelconque. Si ces émotions n'ont aucune suite, elles s'évanouissent et ne nous semblent plus qu'un rêve de notre imagination; mais si elles se renouvellent, elles finissent par établir en nous un sentiment de prévoyance qui tient nos facultés éveillées sur ce que l'instinct nous fait craindre, qui s'augmente avec le danger, et qui nous en avertit mieux que notre raison même, dont les jugements ne peuvent reposer que sur des données claires et certaines.
       C'est évidemment de cette disposition de nos esprits, de l'enchaînement et de l'ébranlement de tous ces fils, que naît ce que nous appelons les pressentiments; et c'est, lorsque des circonstances nouvelles nous donnent des lumières plus positives, et quand ce que nous avons prévu arrive, que nous disons : «J'en avais le pressentiment.»
       La sensation à laquelle on donne ce nom n'est donc pas une chose illusoire ni ridicule; elle est le résultat d'une observation involontaire qui se représente à l'instant à notre souvenir quand les événements la confirment, et la preuve en est que si les personnes qui ont eu des pressentiments veulent s'en rendre bien compte, elles verront toujours qu'ils ont tenu à des causes réelles, qu'ils se rattachaient à des événements qui ont eu lieu en effet, et qu'ils auraient pu les annoncer (et peut-être les prévenir), s'ils avaient eu assez de force pour frapper vraiment l'imagination. Une foule de malheurs, de circonstances extraordinaires, prouve sans cesse cette vérité, dont l'histoire même offre plus d'un exemple, et on doit en conclure, comme je crois l'avoir démontré, que loin qu'il faille se jouer des pressentiments, il faut au contraire se hâter de les approfondir ; qu'ils reposent toujours sur une cause quelconque, et qu'ils ont leur source dans un instinct d'autant plus sûr, qu'il agit en nous lorsque notre esprit n'est pas encore assez troublé par la crainte, ou par la passion, pour nous ôter la rectitude de notre jugement.

(Pensées - LXXXIII, Première partie, Ed. Firmin Didot, Paris, 3e édition, 1836)

Source de la sélection : Au fil de mes lectures 
http://www.gilles-jobin.org/citations/index.php?page=accueil

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