Pages

05 mars 2014

Le cas de Sherry


[Les extraits suivants (traduction/adaptation maison) proviennent du site de Carol Bowan : http://www.childpastlives.org/ ]

Ce récit est tiré du livre du Dr Roger Woolger «Other lives» (p. 303, de la version originale). Au départ, il devait paraître au chapitre 4 «The Moment of Death», qui résume ce que les thérapeutes ont découvert au sujet des guérisons psychologiques et physiques complexes consécutives à la thérapie de régression.

Ce cas dépasse la guérison psychologique : il nous donne une magnifique leçon spirituelle. C’est un exemple des infinies manières dont l’âme apprend à se connaître. Car chacune des innombrables morts que les êtres humains expérimentent peut être une occasion de s’ouvrir à la grâce et à l’illumination.

-------
Sherry était une belle jeune femme qui souffrait de dépression et d’une pauvre estime de soi. «Je ne veux pas être ici, c’est sans espoir», disait-elle. Ses relations tournaient toujours mal. Elle avait l’impression d’être damnée et se sentait seule. Par ailleurs, elle attendait une sorte d'expérience religieuse qu’elle n’avait jamais eue.

La plupart des vies qu’elle a retrouvées avaient le même thème : victimisation, abandon et solitude. Mais parmi celles-ci, une vie de moine et une vie de religieuse qui reflétaient sa quête religieuse. C’est dans ce contexte qu’a émergé cet éveil religieux pendant une session. Sherry était soldat à Rome au temps où les premiers chrétiens étaient persécutés et tués par décret de l’empereur Dèce.

Récit :
«C’est l’armée. Vous obéissez aux ordres. Sinon, vous vous faites tuer. Je m’occupe d’une section des galeries souterraines du Colisée. Ceux qui ne vénèrent pas César sont amenés ici pour être tués par les fauves ou les gladiateurs. Des bains de sang. Ils sont tous tués : femmes, enfants, tous y passent. Mais ce sont des gens étonnants. Je ne peux m’empêcher d’être renversé par leur courage et leur patience… Je marche dans un corridor de la prison. Il y a une femme qui chante. J’entends un lion rugir en arrière-plan. Cette femme a été isolée pour une raison quelconque. Elle est très belle. Je lui demande si elle veut changer d’idée. Elle me regarde intensément, droit dans les yeux en disant : «Toi, veux-tu changer d’idée?» J’ignore la question et je lui dis que je peux l’aider à sortir d’ici si elle le veut.

Durant les jours suivants, je continue d’aller la voir. Sa beauté, sa maîtrise, sa lumière et son calme m’affectent plus que je ne le réalise. Suis-je en train d’en tomber amoureux? Je veux la sauver, mais il est trop tard. Devant sa foi tranquille, je me sens indigne, tout prêt de la damnation à vrai dire. Après tout ce que j’avais fait, je ne pouvais pas être chrétien. 

Je songe à l’amener dans la pièce où les soldats ont des rapports sexuels avec les prisonnières; mais cela ne ferait que prolonger son agonie. Elle me dit que je ne comprends rien du tout, que je veux la sauver uniquement pour avoir l’esprit en paix. Un jour, tandis que je l’observe, une sorte de lumière dorée semble l’entourer; celle-ci prend de l’expansion au point de m’envelopper. Je sors soudain de mon corps. Je flotte au-dessus du Colisée. Durant un bref moment, j’expérimente l’autre côté de la mort. Je vois comme un dôme formé d’un chœur de martyrs au-dessus de l’arène. Cela cesse abruptement. J’ai l’impression que je dois faire quelque chose pour elle, alors je décide de rester en sa compagnie jusqu’au moment où les soldats viendront la chercher. Durant ses derniers moments, elle parle du Christ et de son amour. Je ne sais pas ce que je vais faire. Je n’ai jamais senti mon cœur aussi ouvert. Elle parle de pardon, de la nécessité de me pardonner à moi-même. Elle me stupéfie. Elle ne craint la mort. Cela fait partie de sa foi en la vie. Je réalise que je prépare la scène de son accomplissement. 

Ils l’emmènent. Je reste dans sa cellule et la lumière est encore là autour de moi, même si elle est partie. D’une certaine façon, je ressens son agonie physique. Je vis une sorte de ravissement, mais il y a aussi un grand trou à l’intérieur de moi. C’est comme si elle était encore en train de m’aider. J’entends sa voix comme un murmure : Sois en paix

Cette expérience fit éclater la vie du soldat. Il s’organisa pour abandonner son poste dans l’armée, se retira dans un petit village et devint fermier. Il se fit secrètement baptiser et participa à des rencontres avec d’autres chrétiens où il chantait, guérissait et priait. Il vécut jusqu’à un âge avancé et mourut une nuit, sur la plage, sous l’immense ciel étoilé.

Réflexion au moment de la mort :
«Je suis très reconnaissant de la tournure de ma vie. Je n’ai plus d’attrait pour le pouvoir, mais je sais que je dois apprendre des choses à propos de l’amour. La vision du Colisée que j’avais eue resurgit, et encore fois je suis au-dessus de l’arène. Je vois tous les martyrs. Ils ne sont pas tous purs, certains sont coincés dans l’amertume. Je me sens enchevêtré à leur vie puisque je suis en partie responsable. Je vois une femme. Elle me dit de m’élever plus haut, vers le royaume du Christ, où tout est plus clair, rempli de l’être. Elle me dit que je ne peux pas aider ceux qui sont en bas. Que je ne peux que les inspirer.»

Conclusion :
«En révisant cette vie-là, je réalise que ma vie présente n’est motivée que par l’intérêt personnel. Je dois laisser les autres avancer à leur manière, non pas à la mienne. Il est temps de laisser tomber mon intérêt personnel. Je ressens encore de la tristesse par rapport à cette femme : c’était comme une âme-sœur. Elle sera toujours avec moi.»

[D’autres récits de Sherry sont rapportés dans le livre du Dr Woolger]

«Explorer les vies antérieures et laisser les scènes et les récits se déployer est essentiellement un processus méditatif. Cela nécessite une immobilité, une certaine confiance au pouvoir créateur de l'imagination profonde, ainsi qu'une volonté de faire face non seulement aux scénarios plaisants mais également à ceux qui sont souvent sombres et troublants. Très fréquemment, la traversée du portail vers une mémoire de vie antérieure est une expérience pénible dans notre vie personnelle car elle réveille ou déclenche de vieux souvenirs profondément enfouis.  
       Il y a souvent un niveau plus profond à nos complexes, une strate qui fut enterrée au cœur d’une vie antérieure. Vous pourriez douter de vos souvenirs de vies antérieures, c’est normal, puisque l'esprit rationnel s’objecte, et à juste titre, aux idées qui ne sont généralement pas acceptées, inadaptées à notre vision du monde. (…)
       Néanmoins, nous voyageons continuellement dans le temps et l’espace en pensée… En une fraction de seconde, nous sommes ailleurs. Nous pouvons avoir accès à la vaste mémoire universelle qui inclut notre propre mémoire et celle de l’humanité. Nous pouvons voyager à travers l’histoire instantanément. Ce n’est pas plus difficile que se rappeler des événements de la vie actuelle.»

~ Roger Woolger

-------
«Le monde supérieur est un miroir spirituel du monde inférieur, de sorte que lorsque nous voyageons dans le monde de l’imaginaire visionnaire, en réalité nous déménageons dans une autre réalité.
       Le monde visible a été créé pour correspondre au monde invisible, et il n'y a rien en ce monde qui ne soit pas un symbole de quelque chose de cet autre monde.»

~ Al-Ghazali

Portrait de W.B. Yeats : June Ponte, Medieval Light Company
(Aussi beau que talentueux!)  
 
«L'homme qui a vieilli n'est qu'une loque,
Un manteau déchiré sur un bâton, à moins
Que l'âme ne batte des mains et ne chante, toujours plus fort,
À chaque accroc nouveau du vêtement mortel.»  

Byzance, l'autre rive, p. 63
(Quarante-cinq poèmes (trad. Yves Bonnefoy), éd. Gallimard; 1993)

“There is for every man or woman some one scene,
some one adventure, some one picture, that is
the image of our secret life, for wisdom first speaks
in images and Ethos one image, if we would brood
over it our whole life long, would lead our souls,
disentangled from unmeaning circumstance and the ebb
and flow of the world, into that far household
where the undying gods await all those whose souls
have become simple as flame, whose bodies
have become quiet as an agate lamp.”

«Marche doucement, car tu marches sur mes rêves.»

~ William Butler Yeats (1865-1939)

Aucun commentaire:

Publier un commentaire