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30 mars 2014

…et le paradis à la fin de vos vies!


Marc Chagall : Le Paradis perdu

Les lobbyistes religieux (créationnistes ou autres) : que de violence, de discussions et de conflits inutiles! Choquant. Pourrions-nous avoir la paix avec les fichus dogmes et pouvoirs religieux, une fois pour toutes?! Solution pratique : le laïcisme universel. On devrait se concentrer sur des problèmes prioritaires, telle que la survie de l’humanité, par exemple. Bien que la terre se porterait sûrement mieux sans les parasites destructeurs que nous sommes.

Passons. 

L’autre jour j’ai acheté dans une bouquinerie de livres usagés l’ouvrage de Geddes MacGregor «Enquête sur l’existence de la réincarnation» (Images of Afterlife: Beliefs from Antiquity to Modern Times; 1992). Extrait du résumé de 4:
Depuis toujours, l’homme n’a cessé de s’interroger sur son éventuel devenir après la mort physique. Sombrons-nous purement et simplement dans le néant, ou bien entrons-nous dans une autre dimension, un nouvel univers? Notre âme transmigre-t-elle, à savoir passe-t-elle d’un corps à un autre, ou bien erre-t-elle – ad vitam aeternam – dans l’inextricable dédale de l’espace et du temps? Geddes MacGregor nous propose une étude sérieuse et minutieuse sur ce sujet, et recense, analyse avec une totale intégrité intellectuelle, toutes les attitudes adoptées en la matière, à travers les grandes religions de l’humanité. Qu’il s’agisse du paradis, de l’enfer ou du purgatoire judéo-chrétien, des cinq piliers de l’islam, du nirvana et de la béatitude propres aux «sagesses» asiatiques (bouddhisme, hindouisme, taoïsme, confucianisme entre autres), métempsychose et réincarnation ne sont jamais absentes. Que l’on remonte dans la haute Antiquité égyptienne, que l’on inspire des philosophies grecques ou romaines, que l’on se penche sur des sectes plus confidentielles, jaïnisme, cathares, manichéisme, zoroastrisme, ces deux dernières teintées d’orientalisme, on s’aperçoit que la mort est jugée comme un changement d’état et non comme une fin en soi. (…) Ce livre répond à un double objectif : invités à réfléchir à notre existence dans l’au-delà, nous sommes tout naturellement amenés à nous pencher sur notre vie actuelle.

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Chapitre «Hadès ou schéol? Deux visions des enfers»
[Le sexe dans l’au-delà, désincarné, virtuel : est-ce possible? La vie onirique (durant le sommeil ou la rêverie éveillée) de la plupart des gens en est remplie… en particulier au printemps… période de rut universel J]

       Le sexe au paradis? 
       Parallèlement à l’Hadès ou à son équivalent, on imagine aussi l’au-delà comme la terre d’élection des plaisirs de la chair, où l’on connaît «luxe et volupté»… Platon se gausse de cette idée dans La République. Serait-ce vraiment le bonheur de passer son éternité à boire et à festoyer? Ne peut-on imaginer une autre récompense pour les êtres méritants? On ne sait toujours pas d’où vient exactement cette étrange conception. Il est probable cependant qu’elle dérive des Veda, les premiers textes sacrés de l’Inde, dans lesquels on fait allusion au bonheur éternel, d’essence érotique (assimilé à une perpétuelle extase sexuelle), goûté dans l’autre monde, à grand renfort de soma, ce breuvage psychédélique consommé dans les temples pour atteindre à l’immortalité voluptueuse…
       La civilisation indienne est pleine de paradoxes. L’ascétisme le plus rigoureux, fondé sur le jeûne et les mortifications, va ainsi de pair avec l’exaltation des plaisirs de la chair. Les statues très suggestives du temple de Khajuraho ne laissent planer, à cet égard, aucun doute. Même s’il date du XIe siècle de notre ère, ce monument reflète des croyances fort anciennes. Les Chandela, qui régnaient à l’époque sur la région, pratiquaient un hindouisme tantrique, où la sexualité était investie d’une dimension proprement divine et jouait à cet égard un rôle majeur. Les sculptures de ce genre, et les rituels afférents, sont monnaie courante dans les temples hindous. N’oublions pas que le coït rituel (ou maithuna) fait partie intégrante de l’enseignement védique.
       On retrouve aussi, tout autour de la Méditerranée, des attitudes analogues pendant l’Antiquité, qu’elles soient ou non inspirées de l’Inde. Danses érotiques, prostitution sacrée sont des pratiques courantes en bien des endroits, et elles préfigurent, au sein du peuple, les délices offertes dans «l’autre monde». Nul besoin d’insister sur l’aspect illusoire de telles croyances. Aux yeux de la masse, le bonheur se résume au plaisir sexuel, ce qui explique que l’on représente, par exemple, des soldats, loin de leurs femmes, s’accouplant, par défaut, à des animaux. De même, les déesses de l’amour, Astarté, Aphrodite (ou Vénus), nourrissent les rêves de ces hommes insatisfaits et leur apportent un tant soit peu de réconfort.

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Note personnelle 
- Chez les taoïstes, le sexe est considéré comme une voie vers l’illumination. 
- Par ailleurs on notera que dans la religion islamique, il y a également une croyance à propos de ‘la récompense des martyrs’ qui peut avoir une connotation au «sex in paradise» : Les islamistes affirment, en citant le Coran, qu'un musulman ne doit pas avoir peur de mourir en combattant pour sa religion. Un musulman qui meurt en combattant pour l'islam est un martyr, qualité qui sera récompensée au paradis, notamment par l'attribution de 72 vierges aux yeux noirs pour chaque homme mort ainsi. Pour un musulman croyant, il suffit que sa vie sur terre soit misérable et sans espoir pour qu'il souhaite mourir en martyr en combattant les infidèles pour faire triompher l'islam.
- Dans le catholicisme, le sexe est l’instrument de perdition par excellence, une voie directe vers l’enfer.

Que d’extrêmes! À quand une véritable compréhension de la sexualité et un quelconque équilibre?

Par ailleurs, nous pouvons également choisir d’envisager la survivance dans l’au-delà ainsi : «Si quelqu’un croit que la vie continue après la mort du corps physique, et que c’est vrai, tant mieux pour lui… Et s’il n’y a rien, eh bien, ce n’est pas grave, il ne s’en rendra pas compte puisqu’il n’existera plus!» ~ Jacques Languirand

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Revenons à nos moutons…

Du chapitre «Comment vit-on après la mort?» 

       Ni enfer ni paradis : la solution baha’i
       Apparue en Iran en 1844, soit à la même époque que la secte des mormons, la religion baha’i compte aujourd’hui [1992] cinq millions de fidèles, et elle a son siège à Haïfa, en Israël. On trouve un peu partout dans le monde des temples baha’i, et notamment aux États-Unis, où se dresse, à Evanston, dans l’Illinois, un lieu de culte impressionnant. Issue de l’islam, la religion baha’i n’a cependant rien d’une secte musulmane. Sous l’impulsion de son fondateur, Mirza Husayn Ali, alias Baha’u’llah, elle professe au contraire un œcuménisme radical, visant à l’unification de toutes les confessions religieuses, et elle affirme que Dieu envoie de temps à autre des messagers ou prophètes sur terre pour accompagner les hommes dans leur quête mystique.
       Pour les baha’i, l’âme, qui naît dès l’instant de la conception, est vouée à l’immortalité. Nous ne sommes donc sur terre qu’afin de mener à bien une manière d’ascèse, en nous servant de notre corps comme d’un instrument. Sans donner de précision sur ce qui nous attend dans l’autre monde, la religion baha’i part du principe qu’il s’agira, en tout état de cause, de poursuivre la démarche entreprise ici-bas, en faisant appel à la miséricorde divine, à notre recueillement et à celui de nos proches. l’on conservera donc son identité, car celle-ci est de nature spirituelle, et non corporelle. Dans cette optique, point d’enfer ou de paradis, sinon au sens métaphorique, pour désigner ce qui nous éloigne ou ce qui nous rapproche de Dieu.
       Bref, pour un baha’i, qui embrasse une conception dynamique de la vie de l’esprit, on ne parvient jamais au but, mais l’on est entraîné dans un processus infini, sur la voie du salut. En d’autres termes, nous sommes là en présence d’une vision strictement évolutionniste, qui exclut, à l’encontre de ce que prêchent l’islam et le christianisme, toute sentence irrévocable, que l’on se retrouve en enfer ou bien au paradis.

Du chapitre «En guise de bilan»

Il est frappant de constater que partout, depuis que l’homme existe, il croit en l’existence d’une «vie future», sans trop savoir de quoi il s’agit. Dans ce domaine règne la confusion la plus totale. Ce qui signifie que la croyance en l’au-delà est tout aussi répandue et incohérente que la foi en Dieu dont elle procède.
       La situation n’est sans doute pas la même, suivant que l’on a affaire à une religion révélée, qui repose sur un dogme, ou à une croyance instinctive qui, sans relever en totalité de la superstition, n’en reste pas moins très obscure. Pourtant, il y aurait aussi beaucoup à redire dans le cadre du monothéisme en général, et du christianisme en particulier. (…)

       Le rôle crucial de la morale
       Plus la morale prend de l’importance, plus on redoute d’être châtié dans « l’autre monde ». La théorie de la réincarnation ou de la transmigration des âmes, qui a une forte connotation éthique, apporte toutefois une note d’optimisme, en soulignant que cette punition peut, au bout du compte, s’avérer positive et déboucher sur un dénouement heureux.
       L’Orphisme et le pythagorisme professent ainsi que l’âme se purifie à travers le cycle des incarnations, jusqu’à ce qu’elle atteigne la perfection et la félicité qui l’accompagne. Y aurait-il une filiation entre ces deux philosophies grecques et les Upanisad, qui ont tant marqué la culture indienne? Probablement pas. Malgré leurs similitudes, elles sont apparues chacune de leur côté. Il semble que, de part et d’autre, on en soit venu à penser que le monde n’est pas le fruit du hasard, quoi qu’en disent les légendes ou les traditions, mais qu’il obéit à un principe moral. (…)

       Immortalité et Jugement
       L’homme est depuis toujours persuadé qu’il existe quelque chose après la mort, que cela remplisse d’espoir ou d’angoisse. La vie est brève, on a tellement de soucis, tellement de responsabilités… Et s’il y avait quelque chose ensuite? Même si l’on s’en tient à une conception purement pragmatique de l’existence, c’est-à-dire si l’on ne croit pas en Dieu ou à un quelconque principe transcendant, il est impossible, en général, de s’empêcher d’espérer que l’on se perpétuera, d’une façon ou d’une autre, après avoir rendu le dernier souffle. Le tout est de savoir comment, ce qui suppose que l’on ait une vision cohérente de cet « autre monde ».
       Affirmer que l’âme est en soi immortelle, c’est partir du principe que tous les êtres humains ne font, par nature, qu’Un avec Dieu, et qu’ils ne peuvent pas plus s’en détacher que le rayon lumineux n’est séparable de la lumière. Autrement dit, nous sommes intrinsèquement immortels, au même titre que l’univers est intrinsèquement gouverné par la loi de la gravité. Dieu n’a, en l’occurrence, rien à y voir…
       (…) Il va de soi qu’il existe un Jugement dernier, si d’aventure l’univers est régi par un principe moral. La responsabilité individuelle est à ce prix. Ce qui ne signifie pas pour autant que l’on assiste à une sorte de procès où se déciderait le sort de chacun (…). Cela peut n’être qu’une conséquence inéluctable, un simple effet mécanique de notre comportement, comme une pierre touche un arbre parce qu’on l’a lancée contre lui. Bref, le Jugement dernier s’intègre à une conception de l’au-delà qui voit l’univers comme la création d’un Dieu bienveillant, ou bien comme le champ d’action d’un principe cosmique. Sinon, il n’y a aucune raison d’espérer en une quelconque prolongation dans l’au-delà…

       Le karma
       Le karma désigne un principe d’équilibre moral s’exerçant à l’échelon universel, qu’on l’exprime sous la forme de l’impératif catégorique kantien, de la Torah, ou bien de la loi mosaïque. (…) Dissipons tout de suite un malentendu : loin d’être inexorable, et de renvoyer au fatalisme, le karma repose au contraire sur le libre arbitre. Il n’en demeure pas moins qu’au lieu d’être «prisonniers», ou «victimes» de notre karma, nous en sommes l’auteur. Car il est, pour parler comme Sartre, «jeté là, comme ça», il fait partie de ce qui nous est «donné», le «contingent», si tant est que nous sommes tous le fruit des circonstances, qu’il s’agisse de notre hérédité, de la date et de notre lieu de naissance, fixés une fois pour toutes, ou des vicissitudes de l’existence. Il n’en demeure pas moins qu’une fois que l’on a compris ce que signifie le karma, et tout ce qu’il implique, on est en mesure de se forger un «bagage karmique». Tant et si bien que l’on fabrique soi-même sa propre destinée.
       Si rien n’échappe, dans l’univers, au principe du karma, qui a une signification éminemment spirituelle, l’individu est amené à entreprendre, à son niveau, une évolution du même type; à cette réserve près qu’il ne pourra la mener d’un seul trait, mais qu’elle devra se poursuivre au cours d’une multitude de vies successives : c’est à ce prix seulement que l’on se réalise. Telle est précisément la raison de la réincarnation. Il s’agit d’une quête spirituelle extrêmement longue, plus encore que l’évolution biologique qui a donné naissance à l’homme. (…)
       Oui, mais alors, comment concilier son aspect «mécanique» avec la grâce et la liberté divines? La question est mal posée. Tout se passe comme si l’on voulait juger de la qualité d’une école d’après son règlement : considéré sous cet angle, l’établissement paraît bien sinistre. Mais avec le début des classes, les choses se mettent en place, et l’horizon s’éclaircit. (…)
       Pourquoi la vie, en général, nous laisse-t-elle un goût amer, et nous paraît-elle absurde? Tout simplement parce que nous n’envisageons qu’un simple épisode, une phase extrêmement brève et limitée d’un processus infiniment long, et qu’il faudrait appréhender l’ensemble pour juger de ce qu’il en est vraiment, la vie ne s’achevant pas plus à la mort qu’elle ne commence à la naissance. (…)
       Les philosophies et les religions qui, traditionnellement, plaident en faveur de la réincarnation et se réclament du karma, affirment toutes que demeure, par-delà notre apparence physique, une entité transcendante, moi, âme, ou esprit, qui n’est ni observable, ni explicable scientifiquement.

       Qui a peur de la réincarnation?
       Pourquoi les religions monothéistes se montrent-elles si méfiantes à l’égard de la réincarnation? Comment expliquer que, la plupart du temps, seuls s’en réclament quelques marginaux ou autres adeptes de l’ésotérisme, qui tentent de l’adapter au message de la Bible, des Évangiles ou du Coran?
       Pourquoi, à l’inverse, des gens aussi brillants que Platon ou Pythagore se sont-ils faits les avocats de la transmigration des âmes, en affirmant que perdure quelque chose comme «l’âme», ou le «moi»? Pourquoi la réincarnation est-elle aussi un thème de prédilection chez les humanistes de la Renaissance? La permanence du moi individuel est en effet, à l’époque, le trait dominant de toute conception de l’au-delà.
       Nul besoin d’être grand clerc pour trouver la réponse : l’Église est, qu’on le veuille ou non, un «appareil», qui redoute tout ce qui peut menacer son pouvoir et ses prérogatives. C’est le cas d’un moi individuel qui se perpétue au fil des siècles : il est par définition incontrôlable, et donc éminemment suspect. (…) Mais si les gens croient à la réincarnation, ils risquent toujours de rechercher eux-mêmes leur salut, en dehors de tout cadre institutionnel, et sans se réclamer d’aucune confession religieuse. D’où la suspicion que les autorités religieuses nourrissent à l’encontre des individus qui croient en la métempsychose…
       Il ne faut donc pas s’étonner que les Églises préfèrent envisager une solution collective à un examen personnalisé, cas par cas : nous voilà ainsi tous réunis, au jour du Jugement dernier, et départagés selon nos mérites, les bons d’un côté, les méchants de l’autre, et la question est réglée… À ce compte, si chacun est en droit d’espérer atteindre l’immortalité, c’est uniquement parce qu’il appartient à un groupe, et non en tant qu’individu, lequel n’est qu’une goutte dans l’océan, et ne se définit que par rapport à la communauté des fidèles qu’il a rejointe.

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