Ce que raconte Elisabeth Kübler-Ross (1) se passe
entre 1995-1997, aux États-Unis. Plus récemment, tous les efforts d’Obama pour
améliorer le système de santé ont invariablement été contrecarrés par les
républicains.
Ici, nous jouissons (pour combien de temps encore?)
d’un régime universel :
Le système de santé et des services sociaux, tel
que nous le connaissons, a été institué en 1971 à la suite de l'adoption de la
première Loi sur les services de santé et les services sociaux par l'Assemblée
nationale du Québec. Le système québécois est public, l'État agissant comme
principal assureur et administrateur.
Deux
régimes universels permettent à l'ensemble de la population d'obtenir des
services hospitaliers et médicaux à la charge de l'État :
- le régime d'assurance hospitalisation, instauré
en 1961;
- le régime d'assurance maladie, créé en 1970.
De plus,
certains services sont offerts gratuitement à des groupes en particulier, selon
des critères précis, tels que les services dentaires, les services
optométriques et les appareils suppléant à une déficience physique.
Par
ailleurs, en 1997, le régime général d'assurance médicaments est venu compléter
la couverture publique de la population québécoise dans le secteur de la santé.
Il s'agit d'un régime mixte universel, fondé sur un partenariat entre l'État et
les assureurs privés. Ajoutons que les régimes privés d’assurance collective
couvrent, outre les médicaments, certains services non assurés par les régimes
publics. (Site du ministère)
Or, notre gouvernement actuel semble nous acheminer
subtilement vers la privatisation des
services. Si cela se concrétise, il faudra conséquemment avoir recours à des
compagnies d’assurances qui, selon les rumeurs, pourraient se donner le droit
de déterminer qui mérite d’être assuré
ou non, en fonction des habitudes de vie et du dossier médical du demandeur. Autrement
dit, comme un dossier de bonne conduite en assurances automobiles. Hum...
Mémoires de
vie, mémoires d’éternité
Elisabeth
Kübler-Ross
Pocket 1998
Titre
de l’édition originale :
The
Wheel of Life: A Memoir of Living and Dying; Scribner 1997
[Extrait]
... Je reconnais que je n’étais pas une malade
idéale. J’ai subi des examens tomodensitométriques, puis une IRM et enfin un
check-up complet, tout cela confirmant ce que je savais déjà : j’avais été
victime d’une congestion cérébrale.
En ce qui
me concerne, cette attaque n’était rien comparée à la souffrance que me
causaient les méthodes de soins actuelles. J’ai d’abord dû supporter une
infirmière hostile, puis l’incompétence stupéfiante du personnel soignant. Au
cours de mon premier après-midi dans cet hôpital, une infirmière a essayé de
redresser mon bras gauche, qui était bloqué dans une position recourbée et qui
me faisait si mal que je ne pouvais même pas supporter l’effet d’un courant
d’air. Lorsqu’elle s’est emparée de mon bras, je lui ai fait une prise de
karaté avec mon bras valide. Elle a alors appelé deux autres infirmières pour
me maîtriser. «Faites gaffe, c’est une bagarreuse», dit la première infirmière
aux deux autres. [...]
L’aide
médicale à domicile ne valait guère mieux. Pour la première fois de ma vie, je
bénéficiais de l’assistance médicale pour les personnes âgées et les
handicapés, et j’ai pu découvrir ainsi les graves insuffisances de ce système. [...]
L’univers
des services de santé est kafkaïen. Deux mois après mon attaque, même si je
continuais à souffrir d’une paralysie, ma physiothérapeute m’a annoncé que ma
compagnie d’assurances avait décidé d’arrêter tout traitement. «Docteur Ross,
je suis désolée, mais je ne pourrai plus venir, m’a-t-elle dit. Ils ne veulent
plus rembourser les soins.»
Comment
peut-on traiter un malade de cette manière? Ma sensibilité de médecin en fut
terriblement offensée. Après tout, la médecine était ma vocation. Je m’étais
sentie honorée de traiter des victimes de la guerre. Je m’étais occupée de
malades considérés comme incurables. J’avais consacré toute ma carrière à
enseigner aux médecins et aux infirmières à faire montre de plus de compassion.
En trente-cinq années de pratique, je n’avais jamais fait payer un seul
patient.
Et
maintenant, voilà ce qu’on me disait : «Ils ne veulent plus rembourser les
soins.»
C’était
donc cela, la médecine moderne : une décision absurde prise par un
fonctionnaire quelconque qui n’avait jamais vu le malade? La paperasserie avait-elle
remplacé le souci du bien-être d’autrui?
Je trouve
personnellement qu’aujourd’hui on ne respecte plus aucune valeur.
La
médecine moderne est complexe et la recherche est coûteuse, mais les patrons
des grandes compagnies d’assurances et des organismes privés de préservation de
la santé ont des salaires annuels qui atteignent des milliards de dollars. [...]
Il fut un
temps où la médecine ne s’intéressait qu’à la guérison, et non à la gestion. Il
faut absolument qu’elle retrouve cette déontologie. [...] Il faut
qu’ils (médecins, infirmières et chercheurs) placent leurs semblables – qu’ils
soient riches ou pauvres, blancs ou noirs – au premier rang de leurs priorités.
[...]
La mort
en elle-même est une expérience merveilleuse et positive, mais le processus de
la mort, lorsqu’il se prolonge comme le mien, est un véritable cauchemar. Il
sape vos facultés, surtout la patience, l’endurance et la sérénité. Tout au
long de l’année 1996, j’ai dû lutter contre une souffrance permanente et les limitations
que m’imposait ma paralysie. On doit s’occuper de moi jour et nuit. Si on sonne
à la porte, je ne peux pas aller ouvrir. Quant à l’intimité, elle appartient
désormais au passé. Après quinze années de totale indépendance, c’est une dure
leçon. Des gens entrent et sortent de chez moi. Parfois, ma maison ressemble à
la gare de New York. Parfois, elle est trop calme.
Quel
genre de vie est-ce là? Une vie misérable.
En
janvier 1997, au moment où j’écris ces lignes, je dois dire honnêtement que j’ai
hâte de «passer l’examen final». Je me sens très faible, j’ai mal en permanence
et de suis totalement dépendante. [...]
Parmi les recommandations d’Elisabeth Kübler-Ross :
- Vous devriez vivre pleinement jusqu’à votre
mort.
- Il est important de ne faire que ce que l’on
aime faire. Peut-être êtes-vous pauvre, ou affamé, ou encore vivez-vous dans un
endroit minable, mais vous devez vivre pleinement votre vie. Et, à la fin de
vos jours, vous considérerez votre vie comme une bénédiction parce que vous aurez
accompli ce pour quoi vous étiez venu sur terre.
- La plus difficile leçon est d’apprendre à aimer
de manière inconditionnelle.
- Il n’y a rien à craindre de la mort. Elle peut être
la plus merveilleuse expérience de votre vie. Tout dépend de la façon dont vous
avez mené votre existence.
- La mort n’est qu’une simple transition
conduisant à un plan d’existence où la souffrance et l’angoisse sont inconnues.
- L’amour permet de tout supporter.
- Mon voeu le plus cher est que vous essayiez de
donner davantage d’amour au plus grand nombre possible de gens.
- La seule chose qui soit éternelle est l’amour.
«Nous devons enseigner aux enfants de la prochaine
génération en très bas-âge qu’ils sont responsables de leur vie. Le don le plus
merveilleux de l’humanité, et aussi le plus affreux, est d’avoir le
libre-arbitre. Nous pouvons faire des choix motivés par l’amour ou par la
peur.»
«L’ultime
leçon est d’apprendre comment aimer et être aimé inconditionnellement.»
(The Wheel of Life, 1997)
«Nous courons après des valeurs qui, à la mort,
tombent zéro. À la fin de votre vie, personne ne vous demande combien de
diplômes que avez obtenus, combien de manoirs vous avez construits ni combien
de Rolls Royce vous pouviez vous payer. Voilà ce que vous enseignent les
mourants.» (On Life After Death)
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(1) Dr. Elisabeth Kubler-Ross (1926-2004) est une
psychiatre et une psychologue helvético-américaine, pionnière de l'approche des
«soins palliatifs» pour les personnes en fin de vie. Elle est l'auteur de
plusieurs ouvrages, notamment : On Death
and Dying. Un autre livre, On Life
After Death, inclut des informations tirées de ses années de travail avec
les mourants, des résultats de recherche approfondie sur la vie après la mort,
et ses propres impressions et opinions sur ce sujet fascinant et controversé. Elle
prend sa retraite en 1996 et, après plusieurs accidents vasculaires cérébraux
qui vont la handicaper, elle meurt à 78 ans, à Scottsdale, en Arizona. http://www.ekrfoundation.org/
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Un à-côté particulièrement sombre
Une des choses qui m’a sidérée dans ce récit
autobiographique c’est l’incendie de sa maison, d’origine criminelle, et notamment
le motif. Pourquoi ce geste? Ignorance et peur : pas de
meilleur passeport pour la violence.
«Depuis le jour où j’ai annoncé mon projet de
créer un centre de soins pour les bébés
atteints du sida, les habitants du comté de Highland s’y sont farouchement
opposés. Comme ils ne savaient pas grand-chose du sida, leurs peurs ont vite
pris une ampleur considérable. Pendant mon absence, un ouvrier du bâtiment que
j’avais licencié s’est mis à raconter des mensonges un peu partout sur le sida
et à demander aux gens de signer une pétition contre moi. ‘Signez si vous ne voulez pas que cette femme introduise le sida dans
notre comté’, disait-il aux gens.
Il a fait
du bon travail. [...] Il était près de minuit lorsque la
réunion [d’information] s’est achevée. Ces gens-là me
haïssaient. ... Mes assistants, les intervenants invités et moi-même avons été
escortés jusqu’à la sortie de l’église par plusieurs policiers qui nous ont
ensuite suivis jusqu’à ma ferme. J’ai alors dit à mon ami que je ne savais pas
pourquoi la police se montrait si amicale. ‘Idiote,
ils ne sont pas amicaux, m’a-t-il répondu en secouant la tête en signe
d’incrédulité. Ils ne font que s’assurer
que personne ne sera lynché ce soir.’
Après cet
épisode j’étais devenue une cible facile. Quand je faisais mes courses en
ville, on m’appelait ‘l’amie des nègres’.
J’ai reçu quotidiennement des menaces de mort par téléphone. ‘Tu vas crever comme tes petits chéris de
bébés sidaïques.’ Le Ku Klux Klan fit brûler des croix sur ma pelouse.
D’autres ont tiré sur mes fenêtres. Le plus ennuyeux dans tout cela, c’était
que chaque fois que je voulais sortir de chez moi, j’étais victime d’une
crevaison. Étant donné que je vivais dans un bled perdu, c’était un grave
problème. Il était évident que quelqu’un sabotait mon camion.
Finalement, je me suis cachée un soir pour surveiller la grille d’entrée
de ma ferme, l’endroit où se produisaient régulièrement ces crevaisons. Vers
deux heures du matin, j’ai vu six camionnettes découvertes qui passaient
lentement devant la grille d’entrée. Les conducteurs se sont alors mis à jeter
des bouts de verre et des clous. J’ai compris que je devais me montrer plus
malin qu’eux. Le lendemain, j’ai creusé un trou au bout de mon allée de garage
et j’ai installé dessus une barrière canadienne – une grille en métal qui
laisserait passer les clous et les bouts de verre. Je n’ai plus eu de pneus
crevés, mais j’étais toujours aussi impopulaire à Healing Waters.
Un jour,
alors que j’étais sortie travailler, un camion a ralenti et le conducteur a
hurlé quelque chose d’horrible à mon intention. Puis il est parti sur les
chapeaux de roue, mais j’ai eu le temps de remarquer l’autocollant fixé sur le
pare-choc et sur lequel était écrit ‘Jésus
est le chemin’. Il n’est certainement pas ce chemin-là et, devant cette
nouvelle déconvenue, je n’ai pu m’empêcher de crier : ‘Qui sont les vrais chrétiens dans ce coin?’
Cette
époque était marquée par la violence et la haine, le sida était perçu comme
l’une des grandes malédictions de notre temps.»
«... Le 6 octobre 1994, ma maison fut incendiée.
Elle a brûlé complètement, et j’ai tout perdu. Tous mes documents furent
détruits. Tout ce que je possédais avait été réduit en cendres. [...] Il était près de minuit. À quelques kilomètres de la maison, j'ai aperçu les premiers signes de l'incendie : des colonnes de fumées et de flammes se détachaient sur un ciel parfaitement noir. J'ai tout de suite compris qu'il s'agissait d'un terrible sinistre. De près, la maison, ou ce qu'il en restait, était à peine visible derrière le rideau de flammes. J'ai eu l'impression de me trouver au milieu de l'enfer. Les pompiers me dirent qu'ils n'avaient jamais rien vu de pareil. [...]
J’étais effondrée : cette catastrophe était
incompréhensible. Parmi tout ce que j’avais perdu, il y avait les journaux
intimes où mon père relatait mon enfance, mes papiers et journaux personnels,
quelque vingt mille observations se rapportant à ma recherche sur la vie après
la mort, des centaines de milliers de pages de documentation, de notes et de
textes scientifiques, ma collection d’objets d’art, de photos et de vêtements
indiens... tout, j’avais tout perdu. [...] Étant donné qu’il ne servait à rien
de nier la perte que je venais de subir, je l’ai acceptée. Que pouvais-je faire
d’autre? Après tout, il ne s’agissait que d’un ensemble d’objets et, quelle
qu’ait été leur importance sentimentale ou matérielle, ils n’étaient rien en
comparaison de la valeur de la vie. J’étais indemne. Mes deux enfants, Kenneth
et Barbara, étaient sains et saufs. Quelques pauvres types avaient bien réussi
à réduire en cendres ma maison et tout ce qu’elle contenait, mais moi, ils
n’avaient pas pu me détruire.»
~~~
«Je n'admire pas Jésus sans réserve. Au milieu des
admirables élans de mansuétude que nous transmet l'Évangile, il se rencontre
des préceptes impitoyables. C'est ce qui explique comment Jésus peut être à la
fois le Dieu des coeurs tendres et des fanatiques.» ~ Louise Ackermann (Pensées
d'une solitaire)