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31 mars 2015

Françoise Hardy : «Rendez-vous dans une autre vie»

Je furetais sur le blogue Jobineries / Quotidiennes de Gilles Jobin (son site «Au fil de mes lectures» est mon préféré pour les citations, à cause de la rigueur des références). Ce faisant, je tombe sur une chanson, Message personnel, interprétée par Barbara Carlotti et Dominique A. Le commentaire de G. Jobin inclut un lien vers l’interprétation d’origine par Françoise Hardy. Je clique par curiosité.

De clic en clic, je découvre qu’il s’agit d’une chanson composée par l’auteur-compositeur Michel Berger dont l’introduction (parlée) a été écrite par Françoise Hardy. 

Et puis, parmi les suggestions de vidéos Youtube, je clique sur un entretien à l’émission «L’invité», au sujet de «L’amour fou» (livre et album). À un certain moment, elle parle de réincarnation. J’allume et je me dis «ah mais... ce serait parfait pour Air Karma ça».



Quelques transcriptions :

F.H. : On ne sait jamais si c’est soi qu’on aime ou une idéalisation que l’on fait de l’autre, les projections qu’on fait sur lui, c’est très difficile d’être lucide à ce sujet.

Q. : L’amour est une aventure humaine qui nous mène quelque part, est-ce qu’on arrive au bout?

F.H. : Y’a plusieurs formes d’amour et le mot amour est excessivement galvaudé, et le mort amour au sens général du terme est quelque chose où toutes nos névroses (rires) se condensent pour exprimer tout ce qui ne va pas chez soi, parce qu’en général quand on tombe vraiment amoureux y’a une demande excessive, très irrationnelle, d’un seul coup, on attend tout de l’autre qui devient le maître absolu de votre destin. 

Q. : Y’a aussi une forme de souffrance derrière, non? 

F.H. : Ah oui, parce que quand on se met à aimer, sans le vouloir souvent, ça vous tombe dessus sans qu’on le cherche vraiment, même quand on a une grosse part de responsabilité là-dedans... quand on se met dans un état de dépendance totale vis-à-vis de l’autre, eh bien la dépendance, c’est forcément quelque chose de très douloureux à vivre. 

Q. : L’amour éternel c’est possible ça? (Au sujet de la chanson Les Fous de Bassan)

F.H. : Non, mais là c’est tout autre chose. Les Fous de Bassan, c’est une chanson qui traite de petites jeunes filles qui suivent le premier venu et puis qu’on ne revoit jamais ou alors... enfin... parce qu’elles se sont fait coupées en morceaux. Ça traite d’un sujet extrêmement grave parce que c’est un fait divers récurrent que j’entends souvent et qui me bouleverse à chaque fois. Donc, le texte se pose la question : est-ce que cette petite jeune fille qui finalement n’a pas vécu parce qu’elle a eu la folie de suivre quelqu’un d’encore plus fou qu’elle et qui l’a assassinée – est-ce qu’elle a trouvé l’amour éternel au ciel? Ce qui est tout à fait autre chose, parce que l’amour dont parle la spiritualité n’a rien à voir avec l’amour humain.

Q. : Rendez-vous plus tard... dans une autre vie... ailleurs ou ici pour nous aimer mieux et plus qu’aujourd’hui... Ce n’est qu’un au revoir? (Au sujet de la chanson Rendez-vous dans une autre vie)

F.H. : Je ne sais pas moi, je suis réceptive à l’idée que l’on vive plusieurs fois, qu’il y ait plusieurs incarnations, parce que c’est vrai qu’une seule incarnation ça ne suffit pas à apprendre suffisamment. On est sur terre pour apprendre à coups d’erreurs et à coups d’épreuves malheureusement. Moi je me dis, si c’est ça un petit peu le sens des choses... j’ai eu une vie personnelle un peu difficile, ç’aurait pu être pire, je parle sur le plan amoureux strictement parce que j’ai été très privilégiée sur d’autres plans et sur le plan de l’amour filial par exemple, ç’a été tout à fait merveilleux et ce l’est toujours. Mais ce que je veux dire c’est ... voilà, je me dis que je vais certainement, si c’est vrai cette théorie des réincarnations, je me dis qu’il va falloir que je me réincarne encore beaucoup pour apprendre tous les plans que je n’ai pas été à même de développer. Mais c’est vrai que le plan de l’amour amoureux a été tellement difficile que j’ai appris quand même pas mal de choses, peut-être pas tout, mais j’ai quand même appris beaucoup. Et je me dis, ayant appris tout ce que j’ai appris, si jamais je me réincarne, et si jamais j’ai une relation avec quelqu’un qui a beaucoup compté pour moi, j’espère qu’on fera tout beaucoup mieux. Là c’était le brouillon et après ce sera le propre.

À nouveau au sujet de la dépendance (1) :
Beaucoup de femmes se contentent des miettes en amour parce qu’elles croient que c’est mieux que de ne rien avoir du tout... J’ai longtemps fait partie du lot. 

Au sujet de l’amour avec une personnalité célèbre :
Il y a un éblouissement. Être amoureux de quelqu’un de célèbre c’est propice à une idéalisation encore plus importante que quand il n’y a pas ce facteur de célébrité parce que la célébrité enjolive, magnifie tout. ... Mais je ne parlais pas pour moi, mais je parlais du fait que, comme moi par exemple ou d’autres, quand on tombe amoureux de quelqu’un qui est dans la lumière comme ça, c’est quelque chose qui n’est pas facile à vivre non plus. 

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(1) Les paroles de la chanson Message personnel illustrent parfaitement les amours romantiques humains, cul-de-sac ou à sens unique, qui se nourrissent de miettes et d’attente. Paroles sous la vidéo de Barbara Carlotti et Dominique A :
https://www.youtube.com/watch?v=59pQoyjoiV4

Le pattern a pris encore plus d’ampleur avec les amours/amitiés arobase d’internet. Un fantôme reste un fantôme tant qu’il ne se manifeste pas physiquement... 

12 mars 2015

Raymond Devos et la télépathie

Je suis en train de lire des sketchs de Raymond Devos, le grand maître de l’absurde! Irrésistible. J’en ai transcrits quelques-uns dans «L’art est dans tout». 
En voici trois qui me semblent appropriés, ici! Trop drôle.

Télépathie
(Matière à rire, Deuxième période 1969-1976, p.256)

Il faut vous dire, mesdames et messieurs,
que je suis télépathe.
Ce qu’on appelle un télépathe!
C’est-à-dire que je peux transmettre
ma pensée à distance!
C’est ce que l’on appelle la télépathie!
Vous savez que la télépathie,
c’est le téléphone de demain!
Alors, comme mon téléphone est toujours
en dérangement,
quand je veux entrer en communication
avec quelqu’un,
au lieu de le faire téléphoniquement,
je le fais télépathiquement!
C’est-à-dire qu’au lieu de téléphoner,
je télépathe!
Ça va plus vite, et puis
ça ne coûte rien!
Vous savez que tout le monde
peut télépather.
Vous n’avez jamais cherché à télépather
quelqu’un?
C’est très facile de télépather!
Si vous voulez télépather quelqu’un,
vous cherchez dans l’annuaire télépathique...
la longueur d’onde de celui avec qui
vous voulez entrer en communication...
Vous branchez votre esprit sur le sien...
et vous sifflez mentalement,
c’est-à-dire que vous émettez
des ultra-sons...
Dès que votre correspondant
entend que les oreilles lui sifflent,
il sait que quelqu’un pense à lui
et il dit :
-- Holà? Qui télépathe?
Ce n’est pas :
-- Holà? Qui téléphone, hein?
C’est :
-- Holà? Qui télépathe?
Alors, dès que vous êtes en communication,
vous pouvez lui dire tout ce que vous voulez!
Tout ce que vous voulez!
Parce qu’il n’y a pas de table d’écoute!
La télépathie, pour la police,
c’est le téléphone arabe!
Ça lui échappe!
Les idées... ça lui passe au-dessus!
D’ailleurs vous n’avez pas
d’agent de police télépathe,
parce que la pensée est insaisissable.
Ça ne les intéresse pas!
Ah! je vous signale une chose :
il y a un inconvénient!
C’est que, en matière de télépathie,
il n’y a pas encore l’automatique!
Alors...
ou la pensée est mal émise,
ou elle est mal reçue,
ou c’est l’esprit du correspondant
qui est occupé,
ou alors – et c’est ce qui arrive le plus souvent –
c’est votre propre esprit
qui est en dérangement!

Commentaire : songez à toutes les personnes avec qui vous dialoguez dans votre tête à longueur de journée... et, tout le monde fait ça! Ahurissant, non?

"La magie, les activités paranormales, les télépathes... Vous y croyez, vous ? Il va bien falloir... Le clip ci-dessous dévoile comment un télépathe bruxellois parvient à lire dans vos pensées, retrouve où vous habitez et sait qui partage votre vie...



Vous l'aurez compris, il s'agit bien évidemment d'une blague pour vous faire prendre conscience que votre entière vie privée est dévoilée sur le web. Une publicité réalisée pour safeinternetbanking.be, banque en ligne belge." (Présentation sur Youtube.)

Dans la même veine (aux sceptiques : évitez pour ne pas sauter au plafond) :
http://artdanstout.blogspot.fr/2013/12/overdose-de-connexions.html
http://artdanstout.blogspot.fr/2013/06/contourner-la-surveillance-par-la.html

Plus «concrètement» :
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2015/02/lepouvantail-moineaux-tweets-et-autres.html

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L’horoscope
(Matière à rire, Troisième période, 1956-1969; p. 425)

Je ne sais pas si vous lisez l’horoscope... moi, je le consulte tous les matins.
Il y a huit jours... je vois mon horoscope : «Discussion et brouille dans votre ménage.»...
Je vais voir ma femme :
-- Qu’est-ce que je t’ai fait?
-- Rien!
-- Alors... pourquoi discutes-tu?
Depuis, on est brouillé!
Ce matin, je lis dans mon horoscope : «Risques d’accidents.»
Alors toute la journée, au volant de ma voiture, j’étais comme ça... à surveiller à droite... à gauche... rien!... rien!...
Je me dis : «Je me suis peut-être trompé»...
Le temps de vérifier dans le journal qui était sur la banquette de ma voiture... Paf!... ça y était!
Le conducteur est descendu... il m’a dit :
-- Vous auriez pu m’éviter!
-- Pas du tout, c’était prévu!
-- Comment ça?
-- L’accident était dans le journal!
-- Notre accident est déjà dans le journal?
-- Le vôtre, je ne sais pas! Mais le mien, il y est!
-- Le vôtre, c’est le mien!
-- Oh!... Eh!... une seconde!... vous êtes né sous quel signe vous?
-- Balance!
-- Balance?
Je regarde Balance! Je dis :
-- Ah ben non! Vous n’avez pas d’accident!... vous êtes dans votre tort, mon vieux!
Il y a l’agent qui est arrivé... il m’a dit :
-- Vous avez vu mon signe?
-- Prenez le journal! Regardez!... je ne vais pas regarder le signe de tout le monde!

Tout va trop vite
(Matière à rire, Deuxième période 1969-1976, p.259)

Vous avez remarqué comme les gens marchent vite dans la rue?...
Il y a quelques jours,
je rencontre un monsieur que je connaissais,
je vais pour lui serrer la main,
le temps de faire le geste...
il était passé!
Eh bien j’ai serré la main à un autre monsieur
qui, lui, tendait la sienne à un ami
qui était déjà passé depuis dix minutes.

Raymond Devos
Matière à rire
L’intégrale de : Ça n’a pas de sens, Sens dessus dessous et À plus d’un titre 
Plon, 1991 et 2006